Arte, mercredi 28 novembre à 19 heures, documentaire

On se réjouissait d’une série documentaire à propos de cinq gares européennes parmi les plus notables. Mais, dès son premier épisode, on s’interroge : la gare de Lyon, à Paris, est-elle, avec celles d’Anvers-Central, Budapest-Nyugati, Milan et Londres-Saint Pancras, aussi « prestigieuse » qu’il est affirmé ?

Car on a du mal à croire que ce lieu fut l’un des bâtiments de l’Exposition universelle de 1900… Son intérieur s’est banalement enlaidi au fur et à mesure de ses réaménagements et seuls l’escalier de marbre, sa ferronnerie et la brasserie Le Train bleu à laquelle ils mènent ont quelque intérêt.

Hors sujet

La caméra de Jeremy J. P. Fekete passe rapidement sur les fresques qui ornent ce restaurant : certes, aucun des auteurs de ces œuvres de commande de la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, plus connue sous son sigle PLM, n’est probablement mémorable. Mais il aurait été intéressant de s’arrêter un peu plus sur cet Art 1900.

Au lieu de quoi, l’épisode nous emmène, pendant une longue séquence, vers les horloges de la Mairie de Paris. La raison en est que le technicien qui règle celle du beffroi de la gare de Lyon s’occupe aussi de celles de l’Hôtel de Ville qui, comme la première gare de Lyon, brûla sous la Commune.

Plus hors sujet encore, un long développement sur les Machines de l’île, à Nantes. Serait-ce parce que ce « bestiaire de machines » géantes est installé dans une ancienne gare ? Fausse route : ce sont d’anciens chantiers navals. Certains animaux mécaniques crachent de la vapeur et c’est bien là le seul lien plausible avec le sujet.

Saynètes reconstituées

Car cette série documentaire fait plus grand cas des trains et locomotives anciennes que des bâtiments eux-mêmes. Si les auteurs s’étaient intéressés aux eaux de source, il y a fort à croire qu’ils auraient surtout parlé verrerie…

Jamais le propos n’envisage en profondeur la nature et l’histoire architecturales des lieux, lesquelles pourraient être expliquées par des spécialistes. Mais il faut faire avec quelques amateurs passionnés, aux propos et blagounettes lénifiants, qui mènent cette balade touristique. Ainsi, et entre autres nombreuses digressions, sont évoqués les bains publics de Budapest ou de Milan, le fantôme de l’hôtel de la gare Saint Pancras, les paquebots qui menaient d’Anvers à New York, une modiste milanaise, un cimetière monumental, certes bâti par des artistes ayant décoré la gare de Milan mais qui semble davantage intéresser le réalisateur que le sublime hall ferroviaire…

On s’agace de ce tic irritant et puéril consistant à faire parler les gares à la première personne du singulier, avec une voix off au ton artificieux

On se lasse vite des saynètes reconstituées avec des dames à ombrelle et des messieurs à haut-de-forme. Et l’on s’agace de ce tic irritant et puéril consistant à faire parler les gares à la première personne du singulier, avec une voix off (tantôt féminine, tantôt masculine) au ton artificieux. Ainsi la gare de Lyon évoque-t-elle ses « sœurs » parisiennes. Au moment ou est citée brièvement la sublime ancienne gare d’Orsay, on se dit que, décidément, cette gare devenue débarras de l’abbé Pierre, studio de cinéma, théâtre puis musée aurait fourni un sujet plus intéressant et sauver du fiasco ce sujet en or devenu, par l’indigence de son propos, une suite de consternantes banalités.

Gares d’Europe, les temples du voyage. Série documentaire de Jeremy J. P. Fekete (Fr., 2018, 5 × 43 min). www.arte.tv/fr