L’avis du « Monde » – à voir

En 2017, huit athlètes iraniennes n’ont pu quitter le territoire en vue d’assister à un championnat, faute d’avoir obtenu l’accord de leur mari – lequel est prévu par la loi. Le deuxième long-métrage de Soheil Beiraghi, La Permission, explore cette réalité iranienne sur le mode du suspense – Cold Sweat (Sueur froide) est son titre anglais. Peut-être le titre français a-t-il été choisi pour faire écho à Une séparation (2011), d’Asghar Farhadi. Mais la ressemblance s’arrête là : La Permission assume davantage la condamnation de la loi iranienne et de l’inégalité entre les hommes et les femmes que l’œuvre farhadienne, plus analytique et cérébrale.

Dans La Permission, Afrooz, capitaine de l’équipe féminine de futsal (sport apparenté au foot), se retrouve bloquée à l’aéroport alors qu’elle s’apprêtait à s’envoler en Malaisie pour disputer un match de finale. Elle découvre, stupéfaite, au comptoir de la compagnie aérienne, que son mari s’est opposé à ce voyage. Il en a le droit.

Dans le rôle d’Afrooz, Baran Kosari joue admirablement sur toutes les cordes, seul son regard trahissant l’anxiété qui l’envahit peu à peu

Passé ce « premier acte », la jeune femme va essayer par tous les moyens de le faire revenir sur sa décision. Afrooz ne lâche rien, mais elle déborde, ce qui n’est pas bien vu en Iran. Afrooz est une rebelle qui passe son temps à se contrôler : masquer les tatouages avant chaque match, ranger la mèche de cheveux sur le terrain, etc. Elle se contient devant les autorités et ce mari qu’il vaut mieux amadouer qu’accuser. L’habitacle de sa voiture est un peu la « chambre à soi » de Virginia Woolf : c’est l’un des rares endroits où la jeune femme peut exploser, parler à sa façon, mener sa barque.

Dans le rôle d’Afrooz, Baran Kosari joue admirablement sur toutes les cordes, seul son regard trahissant l’anxiété qui l’envahit peu à peu. Au compte à rebours du match, qui va bientôt commencer, s’ajoute la propre horloge d’Afrooz, son âge qui avance, sa carrière sportive, forcément courte. Dans le film, les autorités iraniennes sont hors champ : les personnages féminins impriment sur leurs visages la violence de la loi ou la phrase définitive du juge. Le film se concentre sur la psychologie redoutable des deux époux, qui ne forment plus vraiment un couple. Ils vivent séparés depuis plus d’un an, Afrooz vivant dans un nouvel appartement – avec une amie –, payé par son mari.

Pervers et inquiétant

L’époux justement (Amir Jadidi), présentateur d’une émission sur la télévision iranienne, Au bon vieux temps, doit tenir sa réputation mais ses nerfs sont à fleur de peau. Sa douceur apparente et son entêtement, justifié par les « sentiments » qui le lient encore à cette femme, brouillent les cartes. Est-il violent parce que malheureux ? Sera-t-il capable d’évoluer et de laisser partir sa femme à l’étranger ? Jusqu’aux dernières minutes, on n’en saura rien. Le réalisateur ne fait pas du mari une caricature de domination masculine, mais en dresse un portrait plus pervers et inquiétant.

Si le scénario n’est pas manichéen, il semble à certains moments peu crédible, ou pas assez abouti. Ainsi, la solidarité féminine au sein de l’équipe de futsal n’est pas vraiment au rendez-vous. Le scénario comporte beaucoup de clés, la mise en scène abuse des réseaux sociaux. Mais c’est aussi parce que Twitter et ses hashtags sont un peu les seules armes de ces femmes iraniennes.

La Permission / Bande-Annonce - Au cinéma le 28 novembre
Durée : 01:38

Film iranien de Soheil Beiraghi. Avec Baran Kosari, Amir Jadidi, Sahar Dowlatshahi (1 h 28). Sur le Web : www.sddistribution.fr/film/la-permission/142