Avec la publication des « Implant Files », le public découvre depuis dimanche 25 novembre à 18 heures l’ampleur du scandale des dispositifs médicaux (pompes à insuline, implants mammaires, pacemakers, etc.). Menée dans 36 pays par 59 médias, dont Le Monde, et pilotée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), cette enquête jette une lumière crue sur un sujet tenu jusqu’ici dans un angle mort de l’attention médiatique et politique.

Depuis le début de la semaine, l’ICIJ a été contacté par près de 2 000 patients, industriels et lanceurs d’alerte. Ce sont les faiblesses de la réglementation et les carences des contrôles, partout dans le monde, qui ont fait l’objet des premières réactions. Certaines annonces officielles avaient même été faites en anticipation de la publication.

  • Allemagne

Le ministre de la santé, Jens Spahn, a annoncé une refonte du registre des dispositifs médicaux lors d’un entretien accordé à la Süddeutsche Zeitung, journal partenaire de l’ICIJ. « Tous les dispositifs implantables devront être enregistrés », a-t-il assuré.

  • Danemark

Jeudi, les autorités sanitaires ont promis un doublement du nombre de fonctionnaires chargés de la surveillance des dispositifs médicaux et la création d’une véritable base de recueil des incidents, selon nos confrères du journal Politiken. Sur la chaîne publique DR1, la ministre de la santé, Ellen Trane Nørby, a en outre annoncé une augmentation du budget de l’Agence nationale du médicament et un renforcement des contrôles.

  • Espagne

Le conseil des médecins a appelé à « une révision et un renforcement » des mécanismes de contrôle des dispositifs médicaux et de la réglementation européenne, selon la chaîne La Sexta.

  • Etats-Unis

L’agence fédérale des produits alimentaires et des médicaments (Food and Drug administration, FDA), a annoncé lundi 26 novembre une « modernisation » de sa procédure la plus critiquée. Le « 510 (k) » permet à un fabricant de s’exonérer d’un certain nombre d’essais cliniques en défendant l’équivalence de son nouveau dispositif par rapport à ceux déjà présents sur le marché.

  • Europe

Mise en cause dans sa conduite de la refonte de la réglementation encadrant les dispositifs médicaux dans l’Union européenne, achevée en 2017, la Commission européenne s’est contentée d’une brève déclaration, lundi, lors de la conférence de presse quotidienne. Côté Parlement, le groupe des socialistes et démocrates a demandé une accélération de l’application des dispositions les plus strictes que prévoit le nouveau règlement, adopté en 2017. Le groupe des Verts a, lui, appelé à un « débat approfondi » sur un « système dysfonctionnel ».

  • Finlande

Deux jours avant la publication des « Implant Files », l’agence nationale de santé annonce une surveillance accrue des dispositifs médicaux, une plus grande transparence et des ressources supplémentaires pour créer des registres de dispositifs médicaux.

  • France

Le secteur n’a pas réagi en France. Dans un courrier que Le Monde s’est procuré, en date de lundi, le Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem) déconseille à ses membres de réagir à cette « enquête à charge » car ce « serait lui donner du crédit et de la visibilité ». « En accord avec le conseil d’administration, nous avons donc décidé de ne pas diffuser de communiqué de presse ou de messages sur les réseaux sociaux », écrit le Snitem, lequel s’est effectivement arrêté de tweeter le 25 novembre.

Le principal acteur d’un lobbying intensif contre une refonte de la réglementation européenne, MedTech Europe, l’organisation défendant les intérêts des industriels du dispositif médical à Bruxelles, a déclaré fournir « des informations aux décideurs politiques pour leur permettre de comprendre [son] industrie, en espérant les aider à créer un environnement réglementaire durable et approprié qui servira mieux les patients ».

  • Italie

« Les citoyens doivent savoir qu’il n’y aura plus de tolérance concernant l’opacité du système », a déclaré la ministre de la santé, Giulia Grillo. Remerciant « Report », l’émission de télévision de la Rai pour son enquête, elle a annoncé une réforme du registre des dispositifs médicaux et l’obligation, pour tous les organismes régionaux de santé, d’enregistrer tous les dispositifs.

  • Royaume-Uni

Dans l’émission « BBC Panorama », le président du Collège royal des chirurgiens (Royal College of Surgeons), Derek Alderson, a appelé le gouvernement à des changements « radicaux » et « de toute urgence », et recommandé que l’enregistrement de tout nouveau dispositif médical soit rendu obligatoire.

  • Slovénie

D’après le média en ligne Ostro, l’agence sanitaire nationale a annoncé son intention de publier sur son site les alertes de sécurité sur les dispositifs médicaux. Informations qui n’étaient jusqu’alors pas publiques.

Ce qu’il faut savoir sur l’enquête « Implant Files »

Les « Implant Files » désignent une enquête menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et 59 médias partenaires, dont Le Monde. 

  • Au cœur de l’enquête : les dispositifs médicaux. Plus de 250 journalistes ont travaillé sur les incidents occasionnés par ces outils censés aider les patients (de la pompe à insuline aux implants mammaires en passant par les pacemakers ou les prothèses de hanche).
  • Une absence de contrôle. Ces dispositifs médicaux bénéficient facilement du certificat « Conformité européenne » permettant de les vendre dans toute l’Europe… Et ce, quasiment sans aucun contrôle.
  • Un bilan de victimes très opaque. Seuls les Etats-Unis recueillent de manière détaillée les incidents relatifs à ces dispositifs médicaux. La base américaine compte 82 000 morts et 1,7 million de blessés en dix ans. En Europe, ces informations sont inexistantes, faute de « remontée » systématique et de contrôle.

Retrouvez tous nos articles sur l’enquête « Implant Files » dans cette rubrique.

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