Le préfet de police de Paris Michel Delpuech arrive au palais de l’Elysée le 18 octobre 2017 pour assister à un discours du président Emmanuel Macron sur la sécurité, devant des représentants de la police nationale et de la gendarmerie. / Ludovic Marin / AFP

Déjà, lors de la manifestation des gilets jaunes du 24 novembre, la casse matérielle sur les Champs-Elysées avait créé le sentiment d’un raté dans la gestion policière. Cette fois, l’avenue a été plus fermement cadenassée. Résultat : des dégâts considérables ont bien été occasionnés mais ils se sont déportés dans plusieurs quartiers huppés de la capitale et les forces de l’ordre – pourtant fortement mobilisées à raison de 4 600 effectifs - ont donné le sentiment de se laisser déborder.

Pur produit de la préfectorale, Michel Delpuech a été nommé à la tête de la Préfecture de police de Paris, la « PP », de façon inattendue le 19 avril 2017, après une chute à vélo et l’hospitalisation de son prédécesseur, Michel Cadot. A un moment où la menace terroriste interdisait d’envisager la moindre vacance de poste, l’homme de 65 ans avait pris ses nouvelles fonctions au pied levé. Le lendemain, une attaque à la kalachnikov sur les Champs-Elysées avait causé la mort du policier Xavier Jugelé.

Depuis un an et demi, le haut fonctionnaire a déjà dû gérer plusieurs séquences politiques sensibles, et notamment l’affaire Benalla, qui a sérieusement mis en cause ses services, sans pour autant lui coûter sa place. Alors que Gérard Collomb, ministre de l’intérieur à l’époque, s’était déchargé sur la PP, M. Delpuech avait renvoyé l’exécutif à sa responsabilité politique et pointé des dérives individuelles.

Un bilan compliqué

En matière de maintien de l’ordre, Michel Delpuech a déjà été mis en cause lors du 1er mai 2018. Les violences des « casseurs » lui avaient à l’époque valu un procès en laxisme alors que, paradoxalement, le bilan humain de la manifestation était tout à fait limité. A rebours de son prédécesseur et de la gestion des mobilisations contre la loi travail en 2016, Michel Delpuech avait en effet opté pour une stratégie de la « désescalade », c’est-à-dire de mise à distance des forces de l’ordre, dans le but de ne pas attiser les tensions avec les franges de manifestants prêts à aller au contact des policiers et des gendarmes. Une stratégie qui admet toutefois un certain niveau de casse matérielle.

Au lendemain de la manifestation des gilets jaunes, le bilan est beaucoup moins à l’avantage du préfet. Tandis qu’Emmanuel Macron a dénoncé les « pillages » et les « attaques » ou que, place Beauvau, Christophe Castaner sous-entend qu’il pourrait rétablir l’état d’urgence, la situation rappelle que le maintien de l’ordre est une matière hautement politique, en particulier sur le ressort de la PP, où se concentrent les institutions les plus sensibles, et converge toute l’attention médiatique. De quoi alimenter la tentation de créer des fusibles.

Maison à part au sein de la police nationale, la préfecture de Paris est souvent qualifiée d’Etat dans l’Etat, tant elle concentre les pouvoirs et les dossiers sensibles, sans qu’aucun gouvernement ne se risque à la réformer. Comme d’autres avant lui, Michel Delpuech a revêtu les habits de ministre de l’intérieur « bis », avec un style peu flamboyant. Ancien préfet de Rhône-Alpes, il a longtemps été estampillé « chiraquien » pour avoir occupé les fonctions de directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie au ministère de l’intérieur de 2007 à 2009. Il avait toutefois été nommé préfet de la région Ile-de-France en février 2017 par François Hollande, qu’il avait connu au sein de la promotion Voltaire (1980) de l’ENA.