« La révolte des gilets jaunes sème le chaos à Paris », peut-on lire sous une photo de voitures en flammes, en « une » du journal « El Pais » daté du dimanche 2 décembre.

« Escalade de la violence à Paris » (Die Welt), « La manifestation des gilets jaunes sème le chaos à Paris » (El Pais), « Gilets jaunes, l’heure de la violence : Paris brûle entre agressions et pillages » (Corriere della Sera), « L’une des manifestations antigouvernementales les plus violentes à frapper Paris depuis des décennies » (The Wall Street Journal). La presse internationale décrivait avec des titres percutants, samedi 1er décembre, les affrontements survenus dans la journée dans la capitale française, en marge des défilés.

Des incidents qui ont fait une centaine de blessés, ont conduit à 287 interpellations, selon un bilan de la préfecture de police de Paris, ont été fermement condamnés depuis Buenos Aires par le président de la République, Emmanuel Macron, et ont conduit le premier ministre, Edouard Philippe, à annuler un déplacement en Pologne.

Les mots « gilets jaunes » – « yellow vests » (en anglais), « gelbwesten » (allemand), « gilet gialli » (italien), « chalecos amarillos » (espagnol), etc. – s’affichaient en « une » de nombreux sites étrangers, tout comme les images de destructions, d’échauffourées ou de voitures enflammées.

« Pelles », « haches », « marteaux », « fusil d’assaut »…

Les médias étaient nombreux à s’attarder sur les scènes de violence. A l’instar de l’Allemand Die Welt, listant les « voitures qui brûlent », les « pierres qui volent ». Ou de l’Américain The Wall Street Journal, qui raconte : « Des groupes de manifestants – certains portant des gilets jaunes, d’autres pas – ont été vus en train d’utiliser des pelles pour casser des vitrines de magasins et de voitures le long de l’avenue Kléber, où se trouvent certains des hôtels les plus prestigieux de la capitale française. Certains des gilets jaunes applaudissaient, tandis que d’autres regardaient en secouant la tête. »

En Espagne, El Pais dressait le même funeste inventaire. « A la tombée de la nuit, plusieurs véhicules ont brûlé sur l’avenue Kléber, qui mène à Charles de Gaulle, également connue sous le nom de Place de l’Etoile. Il y a eu des incendies dans des immeubles et des magasins vandalisés. (…) Un journaliste de BFM-TV a vu des hommes violents armés de haches. La police parle aussi de marteaux. Les télévisions projetaient l’image d’une ville en guerre », écrit le quotidien. « Des manifestants ont volé un fusil d’assaut dans un véhicule de police dans le centre de la ville », complète la BBC.

La chaîne de télévision britannique, comme bon nombre de ses confrères étrangers, prend cependant soin de rappeler que ces débordements ont eu lieu à la marge. « La plupart des manifestants sont restés pacifiques », explique-t-elle. « Il est clair qu’il y avait des agitateurs ou casseurs à l’extrémité des affrontements avec la police. Nous avons vu des groupes de gens de l’extrême gauche anarchiste et de l’extrême droite nationaliste, équipés et prêts à se battre. La grande majorité des gilets jaunes” (…) n’étaient pas dans cette catégorie », insiste Hugh Schofield, reporter de la BBC à Paris.

Ce flou est dû au caractère hétéroclite du mouvement, analyse El Pais, qui permet aux éléments les plus violents de l’infiltrer : « Le problème est que, s’agissant d’un mouvement aussi hétérogène et sans l’organisation d’un syndicat ou d’un parti, toute personne violente peut prétendre en faire partie. Pour être un gilet jaune, vous n’avez besoin que d’en porter un. »

« Tentation révolutionnaire »

La radiotélévision publique allemande Deutsche Welle souligne de son côté que les manifestations des « gilets jaunes » « bénéficient d’un large soutien en France » évoquant la publication mercredi d’un sondage d’opinion montrant que deux personnes sur trois soutiennent les rassemblements.

Pour El Pais, Emmanuel Macron est « confronté au moment le plus compliqué de son mandat ». « La France, pays où la tentation révolutionnaire n’est jamais loin et fait partie de l’identité au même titre que drapeau et l’hymne national, flirte avec la crise politique », est-il encore écrit. « Ceux que l’on nomme gilets jaunes ont une fois de plus défié le gouvernement français hier », « un sentiment de perte de contrôle inhabituel » flotte « dans la capitale française » et « le président français n’a toujours pas trouvé la formule pour désamorcer une révolte dont le cri le plus répandu lui est opposé : “Macron, démission” », argumente le quotidien, soulignant que l’un des graffitis tagués sur l’Arc de triomphe était « Pour moins que cela, nous avons coupé des têtes. »

Outre-Atlantique, le Washington Post estime que la tendance, dans l’histoire, « des Français à se retourner généralement contre leurs présidents à ce stade du mandat » peut en partie expliquer la chute « à des creux records », de la popularité du chef de l’Etat. Mais cite des sociologues et des experts de la pauvreté, qui soulignent la frustration qui sous-tend les manifestations, « résultat inévitable de décennies de fracture sociale entre la France rurale, de plus en plus dépourvue de ressources, et les grandes villes prospères de la France », écrit le journal. Le « Post » relève que « la douleur derrière le gilet jaune se fait surtout sentir en dehors de Paris », dans les régions où avoir une voiture est indispensable pour aller travailler.

« Dans ces territoires marqués par l’absence de lendemain, décrypte Niels Planel, un consultant en réduction de la pauvreté, il y a une forme de désespoir postindustriel qui ronge maintenant les classes moyennes et ouvrières qui ont le plus souffert de la crise brutale de 2008 et des coupes budgétaires qui ont suivi. »