Voix d’orientation. Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner lycéens et étudiants sur leurs parcours d’orientation. Aujourd’hui, Nana, 18 ans, de Garges-lès-Gonesses (Val-d’Oise). Parachutée en classe passerelle après avoir été recalée de Parcoursup, elle s’interroge sur ce dispositif créé pour les bacs pros qui n’ont pas pu intégrer de BTS.

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« En terminale, j’ai fait dix vœux sur Parcoursup. Je voulais m’orienter vers un BTS [brevet de technicien supérieur] en commerce international. Au début de juillet, j’avais deux refus et huit vœux en attente. Comme l’été venait de commencer, je n’étais pas très inquiète : j’allais sûrement recevoir une réponse positive d’ici à la rentrée.

Finalement, j’ai été en attente jusqu’au bout. A la fin d’août, la plate-forme m’a finalement fait signe en me proposant une formation que je n’avais jamais demandée : la “classe passerelle”. Vous ne savez pas ce que c’est ? Eh bien moi non plus.

Du coup, je me suis renseignée : cette classe était une nouveauté, pour ceux qui n’avaient rien eu sur Parcoursup. L’objectif était de ne pas rester une année à ne rien faire. J’ai accepté, un peu dégoûtée. Ça ne faisait pas rêver, mais c’était quand même mieux que rien.

« Les premières semaines, les profs eux-mêmes ne savaient pas ce qu’ils faisaient »

Les cours ont commencé à la fin de septembre. Les premières semaines, je crois que les profs eux-mêmes ne savaient pas ce qu’ils faisaient. On avait l’impression qu’il n’y avait pas vraiment de programme ou que les cours n’étaient pas préparés. Deux mois après, le prof répète encore parfois la même chose d’un cours à l’autre ! Il y a des cours en demi-groupes et d’autres en classe entière, sans qu’il y ait de continuité.

Ce n’est pas vraiment de leur faute. Pour eux, la classe passerelle, c’est aussi la première fois. Le dispositif a été lancé à la dernière minute. Dans notre lycée, les profs ont été prévenus une semaine avant qu’on arrive, ils n’ont pas forcément eu le temps de se préparer.

« Comment savoir si on progresse ? »

On a un peu l’impression d’être des cobayes et que le dispositif a été mis en place à l’arrache. Notre emploi du temps est vide… Limite un vide intersidéral ! Clairement, la classe passerelle n’est pas la priorité. Enseigner en classe passerelle, ce n’est pas obligatoire : un prof peut accepter ou refuser. Résultat, depuis la rentrée, il manque des cours super importants. Ça fait deux mois qu’on est là et on n’a toujours pas de cours d’histoire. L’histoire, c’est la base quand même, non ?

Et puis on a une journée qui s’appelle “travail en autonomie”, le vendredi. En gros, on reste chez nous. Pour moi, c’est juste une façon de masquer l’absence de profs pour nous faire cours ce jour-là. On nous l’a présentée comme une année de remise à niveau, mais ce n’est pas assez carré, on n’a pas l’impression d’avoir les moyens de progresser.

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D’ailleurs, comment savoir si on progresse ? Pour l’instant on n’a pas de notes, pas de contrôles. On nous dit que ce sera une validation de compétences. Mais je ne comprends toujours pas comment cela va être évalué.

Mon sentiment, c’est qu’aux yeux de certains profs, la classe passerelle n’est pas si importante. Si on avait à choisir, on aurait tous préféré avoir la formation qu’on souhaitait ! Pourquoi l’avoir mise en place si on est tous là par défaut ?

Bien sûr, le tableau n’est pas complètement noir. Certains profs y croient, et veulent nous motiver pour qu’on montre à ceux qui ne croyaient pas en ce dispositif que c’était une bonne idée. Mais, dans la classe, les élèves sont un peu découragés. C’est le flou artistique. On est perdu dans notre orientation et on ne sait pas si on aura de meilleures chances d’être acceptés l’année prochaine. D’après certains profs, on aura sans doute la formation qu’on souhaite. Même si on les écoute, on reste sceptique. Moi, j’attends de voir, au risque d’être déçue encore une fois. »

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