Aux Etats-Unis, le mouvement des « gilets jaunes » ravit certains au plus au point : depuis quelques jours, tout le spectre politique de la droite américaine se réjouit ouvertement de ce mouvement et la crise inédite qui l’accompagne en France. Sur les réseaux sociaux, des personnalités inscrivent les « gilets jaunes » dans ce qu’elles perçoivent être l’affrontement, à l’œuvre tant au sein des Etats-Unis que sur la scène mondiale, des forces dites « mondialistes » et des nationalistes.

Les images de violences, notamment à Paris, sont ainsi vues comme une validation de la posture de Donald Trump, au plan domestique (contre l’immigration) comme international (contre l’accord de Paris sur le climat), et un moyen de critiquer Emmanuel Macron, une personnalité que beaucoup exècrent. Il n’est ainsi pas surprenant de retrouver à la manœuvre certaines personnalités qui étaient déjà très actives sur les réseaux sociaux à l’époque de la publication des MacronLeaks.

L’« alt-right » en première ligne

C’est par exemple le cas de Jack Posobiec, une des têtes de pont du mouvement dit de « l’alt-right », ce conglomérat d’extrême droite anti-immigration, misogyne et raciste né sur Internet. « Pendant ce temps, dans le mondialisme » a-t-il écrit sur ton compte Twitter, reprenant à son compte le terme qu’utilise l’extrême droite pour désigner la mondialisation, sur fond d’un photomontage d’Emmanuel Macron exultant devant des voitures en feu dans les rues de Paris.

« J’aimerais tellement être à Paris en ce moment », écrit quant à lui Mike Cernovich, autre figure de cette extrême droite américaine connectée, qui a relayé de nombreuses images des violences du 1er décembre. « France, rejette le postmodernisme et retourne à la raison. Brûle jusqu’à ce que tu apprennes la leçon », enjoint pour sa part Stefan Molyneux, autre personnalité de la droite dure américaine sur Internet.

Sur le site ultranationaliste Breitbart, ce ne sont pas moins de 20 articles qui ont été consacrés au mouvement depuis la première manifestation du 17 novembre. Tous décrivent en des termes très hostiles le gouvernement français et présentent sous un jour favorable les manifestants.

Une autre publication issue de cette mouvance, Rebel Media, a même fait le déplacement jusque dans la capitale française. Là aussi, le traitement est nettement favorable aux « gilets jaunes ». Pour leur journaliste, « Macron refuse d’écouter le peuple, qui va faire du bruit ». Le même a également posté un message sarcastique, « comment se porte votre présidence, M. Macron ? », sur fond de voiture calcinée.

Rebel Media réclame même des fonds pour continuer sa couverture de la crise des « gilets jaunes ». « Les médias du monde entier adorent Macron, et la théorie de l’origine humaine du réchauffement climatique, et passent donc sous silence les faits. C’est pour cela que nous sommes en France, pour trouver la vérité », écrivent-ils. L’une de ses contributrices, la britannique Katie Hopkins, a relayé à ses 800 000 abonnés une vidéo, vue 1,3 million de fois, de policiers face à des manifestants enlevant leurs casques, l’accompagnant d’une injonction, en français : « Vive la révolution. Macron démission. »

« Révolte contre le mondialisme »

De nombreuses personnalités de la droite dure américaine ont une grille de lecture bien arrêtée pour expliquer le mouvement des « gilets jaunes ». Il s’agit d’une révolte contre le « mondialisme ».

« La révolte contre le mondialisme s’accélère » se réjouit ainsi Paul Joseph Watson, qui, pour être britannique, n’en est pas moins une des figures de proue de l’extrême droite américaine sur Internet. Et le même d’assurer que « si les manifestants protestaient contre le changement climatique, cela ferait la une. Mais ils se battent contre le mondialisme et la taxe sur le carburant, alors les médias minimisent ». Ceci alors que le mouvement des « gilets jaunes » est à la « une » de la plupart des médias français depuis son début.

La très influente section du forum américain Reddit dédié à Donald Trump, place forte de la droite américaine dure, comportait lundi dans l’après-midi plusieurs posts, parmi les plus populaires, de soutien aux « gilets jaunes ». « Ils nous disent que [ces manifestations] sont contre une taxe du carburant. NOUS NE SOMMES PAS STUPIDES. Ils veulent récupérer leur pays », peut-on lire sur l’un d’eux. « Le président Macron […] ne comprend pas que la France est au bord d’une autre révolution contre ses élites », découvre-t-on sur un autre. Le mouvement des « gilets jaunes » était aussi parmi les sujets les plus populaires sur le réseau social d’extrême droite Gab.

Un argument de soutien à Trump

Pour nombre de ces figures de la droite américaine, les manifestations des « gilets jaunes » servent à nourrir leur campagne politique à l’intérieur des Etats-Unis et permettent de mettre en valeur le bilan, qu’ils jugent très positif, de Donald Trump.

Lou Dobbs, animateur de la chaîne Fox News. / ALEX WONG / AFP

« La France n’est plus la France », avait déclaré le président américain en 2016, après l’attentat de Nice. Ryan Saveedra, journaliste pour le site d’actualités de droite Daily Wire, voit dans les violences de la dernière manifestation des « gilets jaunes » la preuve que le président américain avait raison. « Le peuple français abhorre la politique mondialiste anti-Trump de Macron, et les émeutes de Paris sont des avertissements clairs [à ceux] qui ont essayé de nuire dès qu’ils pouvaient à la politique #AmericaFirst de Donald Trump », a quant à lui jugé Lou Dobbs, animateur bien connu de la chaîne Fox News.

Son homologue, et ancien conseiller de Donald Trump, Sebastian Gorka, a également donné cette explication au mécontentement des « gilets jaunes ». Selon lui, « les manifestants veulent que Macron représente les travailleurs français de la même manière que Trump défend les intérêts américains ».

L’animateur de télévision John Cardillo, lui aussi marqué à droite, voit même dans les « gilets jaunes » un « effet Trump » :

« Paris brûle parce que les gens en ont marre du socialisme et du mondialisme. Les patriotes normaux sont naturellement nationalistes. [Ce qu’il se passe à Paris] est la preuve d’un effet Trump mondial. L’Amérique est de retour après huit ans de faiblesse. »