L’avis du « Monde » - A voir

On peut être reconnaissant à Marche ou crève de Margaux Bonhomme de s’atteler frontalement au sujet du handicap et par là, de combler un manque, celui de la représentation du corps handicapé au cinéma. Une telle démarche rencontre inévitablement des écueils et notamment celui de ne pas parvenir à aller au-delà du « film à sujet ». Comment faire entrer le handicap dans la fiction sans qu’il prenne toute la place jusqu’à rendre le reste secondaire ? À cette question, Margaux Bonhomme répond que c’est justement cette question à laquelle se retrouvent confrontés les personnes qui vivent quotidiennement avec une personne handicapée : le dévouement est tel que le reste passe au second plan.

La vertu de Marche ou crève est de nous faire plonger dans ce quotidien particulier : celui d’un père de famille célibataire (Cédric Kahn) qui vit avec ses deux filles, Elisa (Diane Rouxel) et Manon (Jeanne Cohendy) qui souffre d’un lourd handicap. Pour ces proches, il faut savoir répondre aux sautes d’humeur, aux accidents, être aux aguets face à une fragilité de chaque instant : la cinéaste filme ces soins et cette attention permanente avec beaucoup de tendresse.

Traiter la part de négativité, de mauvais sentiments

Certaines scènes peuvent être éprouvantes, irritantes, mais c’est précisément le défi relevé par la cinéaste : nous tenir face à une réalité même quand nous ne désirons plus la voir, même quand nous en avons suffisamment vu. Elisa se fait comme le relais des humeurs changeantes du spectateur : souvent tendre et prévenante, parfois agressive et désespérée lorsqu’elle se compte que son propre destin est lié à celui de sa sœur et qu’elle ne peut pas vivre sa vie sans prendre le risque de la culpabilité.

Si le thème du handicap est souvent abordé de manière positive par le biais de la comédie, c’est tout le contraire qu’ambitionne Marche ou crève. Margaux Bonhomme fait le choix de traiter la part de négativité, de mauvais sentiments qui peuvent s’emparer des proches d’une personne handicapée : culpabilité, épuisement, envie d’abandonner, sursaut d’égoïsme. Bien que le film rencontre inévitablement les limites liées à son projet (le Sujet qui emporte tout), on ne peut que saluer une telle démarche, la justesse de ses acteurs et une fin capable de rendre compte d’un entre-deux : entre culpabilité et nécessaire émancipation.

"Marche ou crève" de Margaux Bonhomme - Bande Annonce
Durée : 01:40

Film français de Margaux Bonhomme. Avec Diane Rouxel, Jeanne Cohendy, Cédric Kahn. (1h25) Sur le web : www.nourfilms.com/marche-ou-creve, www.facebook.com/marcheoucrevelefilm