Manifestation des « gilets jaunes » autour de la place de l’Etoile, à Paris, le 1er décembre. / JULIEN MUGUET POUR LE MONDE

Alors qu’approche une nouvelle journée de mobilisation des « gilets jaunes » dont la perspective laisse craindre le franchissement d’un nouveau palier dans le degré de violence, le ministre de l’intérieur, sous tension, met en place une nouvelle stratégie de maintien de l’ordre à Paris et en régions. Une source de la Place Beauvau citée jeudi 6 décembre par l’Agence France-Presse (AFP) a indiqué que le dispositif de sécurité qui devra se déployer sur tout le territoire était encore « en cours de finalisation ».

Lors d’un débat au Sénat jeudi, le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé la mobilisation 65 000 personnels dans toute la France, en plus de « moyens exceptionnels » dont il n’a pas précisé la nature. Selon plusieurs sources du secteur citées par l’AFP, la quasi-totalité des unités de CRS et d’escadrons de gendarmerie mobile devrait être mobilisée pour assurer le maintien de l’ordre dans le pays samedi.

Selon la publication professionnelle des gendarmes, L’Essor, plusieurs blindés de la gendarmerie vont par ailleurs être déployés à Paris et en région parisienne. « Ce déploiement, réservé aux situations les plus dégradées, est très symbolique », écrit L’Essor, qui précise que leur utilisation avait été demandée notamment par le député (LR) Eric Diard et un syndicat de police (le SCSI-CFDT). « Toutes » les forces de la gendarmerie – gendarmes départementaux, mobiles et réservistes – seront mobilisées samedi, ajoute encore L’Essor.

« Aller au contact »

Après les violences du 1er décembre, les autorités ont été abondamment critiquées pour les carences observées, notamment autour de l’Arc de triomphe, ce qui a imposé une révision en profondeur de leur stratégie face à des manifestants hors norme. Le dispositif de type « fan-zone » qui consiste à donner aux manifestants l’accès à un périmètre fermé et aux entrées contrôlées a été abandonné. Conçue comme une main tendue aux « gilets jaunes », cette installation s’est révélée défaillante le 1er décembre.

Auditionné au Sénat et à l’Assemblée nationale, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a promis que les forces de l’ordre seraient davantage mobiles pour interpeller ceux qui sont présentés comme des casseurs. « Jusqu’à présent les forces mobiles (CRS et gendarmes mobiles) avec leur équipement lourd avaient pour ordre de ne pas aller au contact », souligne Patrice Ribeiro, du syndicat de police Synergie.

« Or il y a les BAC, les compagnies de sécurisation et d’intervention (CSI), les anti-casseurschez les unités mobiles, les compagnies d’intervention avec leurs équipements plus légers qui peuvent aller au contact des casseurs et les disperser ou les arrêter. Il ne faut pas les laisser installer leur propre fan-zone” », fait valoir M. Ribeiro. Plusieurs experts du maintien de l’ordre sollicités par l’AFP ont toutefois souligné qu’« aller au contact » c’est aussi prendre le risque d’avoir des blessés graves, voire des morts.

Appels au calme

Sous la forme d’un appel au calme relayé par plusieurs responsables de l’exécutif, M. Castaner a invité les « “gilets jaunes” raisonnables, ceux qui ne soutiennent pas l’action violente, à se désolidariser des extrêmes et à ne pas se rassembler à Paris ». Ailleurs en France il a appelé à ne pas se rassembler dans les lieux qui ont fait l’objet de tensions importantes, comme les préfectures ou les barrières de péage. « A Paris et en province, nous serons vigilants sur tous les symboles de la République », assure-t-on également à Beauvau. Par ailleurs, plusieurs événements comme les rencontres de L1 PSG-Montpellier, Toulouse-Lyon ou Monaco-Nice ont été annulées pour soulager les forces de l’ordre.

D’après une source du ministère de l’intérieur, les services de renseignement ont fait passer tous les voyants au rouge en alertant sur la mobilisation d’une « ultradroite qui rêve de révolution et d’une ultragauche qui prône l’insurrection ». Celle-ci pointe également la « radicalisation » d’une frange des « gilets jaunes » : « Ils se radicalisent dans la violence et politiquement. » Selon cette source citée par l’AFP, le niveau de risque est notamment illustré par les déclarations d’une des figures médiatiques du mouvement, Eric Drouet, qui a appelé à « entrer à l’Elysée », mercredi soir sur le plateau de BFM-TV.