Michael Bloomberg, Ankeny, Iowa le 4 décembre 2018. / Charlie Neibergall / AP

On imagine déjà l’embarras de la campagne présidentielle de 2020 lors d’une éventuelle conférence de presse du candidat Michael Bloomberg :

« Monsieur Bloomberg, bonjour. John X, reporter de l’agence Bloomberg. Pouvez vous confirmer que l’argent de votre entreprise Bloomberg, etc., etc. »

La vie s’annonce impossible pour les reporters de l’agence fondée par Michael Bloomberg si celui-ci se lance dans la course à la Maison Blanche sous les couleurs démocrates. Le milliardaire, qui fit fortune en équipant de terminaux électroniques tous les traders de Wall Street à partir des années 1980, a bâti un empire médiatique qui pourrait devenir bien incommode.

Plus de couverture politique

M. Bloomberg, dont la fortune est évaluée à 45 milliards de dollars par Forbes, envisage tout simplement pour son groupe de « ne plus couvrir la politique » et laisser cette tâche à un autre média numérique. En clair, même si M. Bloomberg ne l’a pas explicité : fermer ou céder le service politique. M. Bloomberg a lancé cette petite bombe au cours d’une interview radiophonique lors d’un déplacement dans l’Iowa – officiellement parce qu’il s’agit d’un Etat à la pointe de la protection environnementale, thème fétiche de M. Bloomberg ; en réalité parce que c’est là qu’aura lieu en janvier 2020 la première primaire de la campagne présidentielle.

L’autre solution explicitée par M. Bloomberg est de préciser, à chaque fois que son nom est cité, qu’il est le propriétaire du média concerné. Ce serait une rupture. A la différence du New York Times, ou du Monde, qui précise que ses actionnaires le sont « à titre personnel », l’agence Bloomberg ne traite pas de la vie du groupe Bloomberg ni de celle de son propriétaire. « Nous avons toujours eu pour politique de ne pas parler de nous-mêmes. Vous pouvez être indépendant et personne ne croira que vous êtes indépendant » a estimé M. Bloomberg, avant d’ajouter en riant : « Honnêtement, je ne veux pas que tous les reporters que je paie écrivent de sujets négatifs sur moi. »

Vente de l’entreprise

M. Bloomberg a indiqué avoir abordé le sujet avec le rédacteur en chef de Bloomberg News, John Micklethwait. « Je ne suis pas encore candidat, donc j’ai beaucoup de temps pour y penser, mais j’y ai beaucoup pensé car la presse est une part très importante de notre business. » En réalité, selon Buzzfeed, la division média perd de l’argent, pertes absorbées par les activités financières du groupe (10 milliards de dollars de chiffre d’affaires). Déjà en 2016, lorsque M. Bloomberg avait envisagé de se lancer dans la course en tant que candidat indépendant, cette perspective avait créé des remous, conduisant à la démission de la chef du bureau de Washington, Kathy Kielly, inquiète de ne pouvoir couvrir la campagne avec l’agressivité nécessaire.

La vente complète de l’entreprise reste une option. Interrogé dans l’Iowa, M. Bloomberg a aussi annoncé que s’il se lançait dans la course ou était élu – le facteur déclenchant n’est pas très clair –, il ferait gérer son entreprise par un trust ou la céderait. « Je pense qu’à mon âge [76 ans], si je peux vendre, c’est ce que je ferai. A un moment donné, on finit par mourir, alors mieux vaut le faire avant. »