En mai 2015, à Paris. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Cette fois, ils ne se laisseront pas surprendre. Les représentants des services de secours d’urgence de la capitale (SAMU, pompiers) se sont réunis, jeudi 6 décembre, pour calibrer ensemble le dispositif de prise en charge des blessés, samedi 8 décembre, une journée qui pourrait être d’une « très grande violence », selon l’Elysée. Plusieurs dizaines d’équipes mobiles de la Croix-Rouge devraient notamment être réparties dans toute la région Ile-de-France afin de renforcer des pompiers amenés à intervenir sur plusieurs fronts.

Est-ce parce que Paris, et principalement les Champs-Elysées, devaient être sous contrôle ? Ce travail de coordination, réalisé sous l’égide de la préfecture de police, n’a pas eu lieu la semaine dernière, en amont des rassemblements du 1er décembre autour de la place de l’Etoile. Or, au cours de cette journée, où les affrontements entre les « gilets jaunes » et les forces de l’ordre ont été particulièrement violents, 162 personnes ont été admises en urgence dans neuf hôpitaux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). En début de semaine, quatre d’entre elles se trouvaient encore en unité de réanimation.

« Rien n’avait été anticipé »

« Rien n’avait été anticipé, aucune alerte n’avait été donnée aux hôpitaux », déplore un médecin urgentiste parisien sous couvert d’anonymat. Conséquence, selon lui, « il n’y a pas eu de régulation médicale », ce qui signifie que des cas graves – au moins deux, selon nos informations – n’ont pas été emmenés directement dans les bons hôpitaux et ont dû être rapidement retransférés. « L’AP-HP a bien réagi, tout le monde s’est mobilisé, mais on a joué avec le feu. On ne peut pas se le permettre samedi », souligne l’urgentiste.

« L’AP-HP a bien réagi, tout le monde s’est mobilisé, mais on a joué avec le feu. On ne peut pas se le permettre samedi »

A la direction de l’AP-HP, on affirme qu’aucun patient n’a finalement pâti de ce manque d’anticipation. « On n’avait pas prévu de dispositif pour manifestation à haut risque, on ne s’est pas vu la veille en se disant qu’il y aurait 200 blessés. Mais est-ce qu’il y a eu pour autant perte de chance ? Je pense que non », assure Martin Hirsch, le patron de l’AP-HP, qui salue la « réactivité » des services d’urgence.

Certains de ces services ont de fait dû faire face à une forte hausse d’activité. Aux urgences de l’hôpital Bichat, il a par exemple fallu rappeler trois médecins pour s’occuper de 58 personnes blessées dans les affrontements. A l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP), c’est 20 blessés (18 manifestants et 2 policiers) qui sont venus s’ajouter aux 160 patients comptabilisés en moyenne ce jour-là. « Avoir 18 blessés sur un événement de ce genre, c’est beaucoup. Par comparaison, lors des manifestations contre la loi travail [en 2016], on en avait eu dix et, lors [de l’attentat au] Bataclan [en 2015], on en avait eu 50 », raconte Philippe Juvin, le chef des urgences à l’HEGP, qui n’a cependant pas dû battre le rappel des troupes ce jour-là.

Capacités hospitalières supplémentaires

Dans les services d’urgence, on se prépare désormais pour samedi. « On a eu une demande de notre hiérarchie de nous organiser de manière très sérieuse », explique Philippe Juvin, qui dit être en capacité de mobiliser une douzaine de médecins, en plus des trois habituellement présents. De façon générale, l’AP-HP annonce que, outre les renforts mobilisés dans les principaux sites d’urgence, des capacités hospitalières supplémentaires « ont été identifiées pour répondre à un possible surcroît d’activité lié à la situation ».

« Comme il n’y aura pas de cortège, cela va être difficile de prépositionner des moyens »

Côté SAMU, les équipes chargées de la régulation médicale ont été également renforcées et pourront être « déployées sur les points de regroupement des victimes qu’il serait nécessaire de constituer », fait savoir l’AP-HP. « Comme il n’y aura pas de cortège, cela va être difficile de prépositionner des moyens », explique Pierre Carli, le directeur médical du SAMU de Paris, qui annonce une très forte mobilisation des secouristes de la Croix-Rouge.

Au niveau national, le ministère de la santé a appelé, jeudi, les établissements de santé à mettre en place « tous les dispositifs et personnels nécessaires pour que l’accueil des patients, la sécurité des personnels et la sécurisation des établissements soient assurés », en rappelant qu’il était toujours possible d’activer, le cas échéant, des procédures telles que le « plan blanc », qui permet notamment de libérer des lits.