Annegret Kramp-Karrenbauer et Angela Merkel, à Hambourg, le 7 décembre. / ODD ANDERSEN / AFP

Editorial du « Monde ». Les dirigeants – politiques, en particulier – ont généralement le plus grand mal à admettre qu’ils ont fait leur temps. Angela Merkel ne fait pas exception. Le début plus que chaotique de son quatrième mandat de chancelière donne raison à ceux qui, avant les élections législatives de 2017, craignaient que ce mandat ne fût celui de trop. Il faut toutefois reconnaître à Mme Merkel un mérite : celui d’avoir assuré, dans de bonnes conditions, sa succession à la tête de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), le parti qu’elle dirigeait depuis avril 2000 et à la présidence duquel l’a remplacée, vendredi 7 décembre, Annegret Kramp-Karrenbauer.

Certes, ce scénario n’était pas celui qu’elle avait imaginé au départ. Pour elle, les fonctions de chancelière et de chef de parti ne devaient pas être dissociées. Mais le recul de la CDU aux élections régionales dans la Hesse, le 28 octobre, l’a incitée à revoir ses plans et à quitter, plus tôt qu’elle ne l’avait souhaité, la présidence du parti. C’était sans doute la décision la plus sage. Et la campagne interne aura été à bien des égards exemplaire.

Pendant six semaines, la CDU a su organiser un vrai débat démocratique. Les trois candidats à la succession de Mme Merkel se sont confrontés aux militants du parti dans huit villes différentes. Des séances de trois heures à chaque fois, dans des salles pleines à craquer, lors desquelles ils ont répondu à des dizaines de questions, souvent pointues, le tout dans une atmosphère respectueuse. Après les récents revers électoraux de la CDU, l’heure aurait pu être aux règlements de comptes sanglants. Il n’en a rien été. La bataille a certes été rude, mais elle s’est faite à la loyale, et le parti de Mme Merkel, qui s’était passablement assoupi ces dernières années, a montré qu’il était encore bien vivant.

Un visage plutôt rassurant

En ces temps de surenchère populiste, la droite allemande a également montré un visage plutôt rassurant. A une ou deux exceptions près, les candidats à la présidence de la CSU ont évité les propositions démagogiques. Ils ont ainsi tiré les leçons des élections bavaroises du 14 octobre, où leurs alliés de la CSU ont fait le douloureux constat que, en entraînant leur parti très loin vers la droite, ils perdaient beaucoup d’électeurs au centre – en particulier au profit des Verts – sans pour autant faire baisser l’extrême droite.

Cela ne signifie pas que la tâche de Mme Kramp-Karrenbauer soit facile, au contraire. L’ex-ministre-présidente de la Sarre doit d’abord rassembler, alors qu’elle n’a été élue qu’à une très courte majorité (51,7 %) face à un candidat qui représentait l’opposition interne à Mme Merkel. Il faut ensuite doter la CDU d’un nouveau programme (l’actuel date de 2007). Elle doit également moderniser le parti, en répondant à la soif de débats qu’a suscitée la campagne, mais aussi en le rajeunissant et en le féminisant : si une femme succède à une femme à la tête de la CDU, cela ne doit pas faire oublier que, parmi les députés conservateurs, les femmes ne sont que 20 %.

Dernière tâche, enfin, et non des moindres : endiguer la montée de l’extrême droite, en particulier en ex-Allemagne de l’Est où, ces dernières années, la CDU a cédé beaucoup de terrain à l’AfD, en gérant souvent maladroitement les conséquences politiques de la crise migratoire. A ce titre, la responsabilité de Mme Kramp-Karrenbauer est immense. Compte tenu de son poids en Europe et de la crise démocratique que traversent nombre de ses voisins, la stabilité politique de l’Allemagne est un impératif absolu.