Le roi d’Arabie saoudite (droite) aux côtés du prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salman (gauche), le 9 décembre 2018. / BANDAR AL-JALOUD / AFP

Plus de deux mois après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, tué au consulat de son pays à Istanbul, Riyad refuse d’extrader en Turquie des personnes suspectées d’être impliquées dans son assassinat. « Nous n’extradons pas nos citoyens », a affirmé, dimanche 9 décembre, le ministre saoudien des affaires étrangères Adel al-Jubeir, lors d’une conférence de presse à Riyad.

La Turquie avait demandé mercredi l’arrestation de deux proches du prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salman en lien avec le meurtre de Jamal Khashoggi le 2 octobre dans le consulat de son pays.

D’après l’agence de presse étatique Anatolie, la justice turque a émis des mandats d’arrêt visant Ahmed al-Assiri et Saoud al-Qahtani, accédant à la requête du procureur général d’Istanbul, qui les soupçonne de « faire partie des planificateurs » du meurtre. Saoud al-Qahtani, il fait partie des 17 responsables saoudiens visés par des sanctions annoncées mi-novembre par le Trésor américain, « pour son rôle dans la préparation et l’exécution de l’opération » contre le Khashoggi.

Ahmed al-Assiri et Saoud al-Qahtani ont été démis de leurs fonctions le 20 octobre alors qu’une tempête diplomatique s’abattait sur Riyad après le meurtre de cet ardent critique du pouvoir saoudien, qui a considérablement terni l’image de la pétromonarchie, notamment celle de Mohammed ben Salmane.

Après avoir affirmé dans un premier temps que le journaliste avait quitté vivant le consulat, Ryad a fini par reconnaître, sous la pression internationale, qu’il avait été tué et démembré à l’intérieur de la représentation diplomatique.

Selon le récit des événements des autorités saoudiennes, le général al-Assiri, ancien chef-adjoint du renseignement saoudien, a ordonné à une équipe de 15 agents saoudiens de ramener « de gré ou de force » Khashoggi en Arabie saoudite. Une fois sur place, il aurait décidé de tuer le journaliste.

Simulacre de coopération

Le mois dernier, le procureur général saoudien avait annoncé que 11 suspects détenus en lien avec l’enquête sur le meurtre avaient été inculpés, sans communiquer leur identité. M. Jubeir avait souligné pour sa part que Mohammed ben Salmane n’avait « rien à voir » avec cet assassinat.

La justice saoudienne s’est dite prête à coopérer avec les enquêteurs turcs qui mènent leurs propres investigations. Mais depuis le début de l’affaire, une extrême méfiance règne de part et d’autre. « Selon nous, les autorités turques n’ont pas été aussi coopératives que ce qu’elles auraient dû être », a affirmé dimanche M. Jubeir.

« Les informations que nous avons reçues de la Turquie sont des informations qui avaient déjà fuité dans les journaux. Nous avons demandé à nos amis en Turquie de nous fournir des preuves que nous pouvons utiliser en justice. Nous ne les avons pas reçues comme nous aurions dû les recevoir », a-t-il ajouté.

« Je crois que la Constitution turque interdit l’extradition de citoyens turcs. Je trouve donc intéressant qu’un pays qui ne nous fournit pas d’informations (...) émette des mandats d’arrêt » et demande l’extradition de suspects, a-t-il déclaré.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a plusieurs fois réclamé l’extradition des suspects arrêtés par Riyad, mais ce dernier insiste pour que tout procès se déroule en Arabie saoudite.

Affaire Jamal Khashoggi : les contradictions de l'Arabie saoudite
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