L’entrée d’une maison traditionnelle de la ville ancienne de Oualata, au sud-est de la Mauritanie, en novembre 2018. / THOMAS SAMSON / AFP

Cette année encore, aucun touriste étranger n’aura eu le loisir d’admirer les peintures à l’argile qui ornent l’encadrement des portes des maisons pourpres du village de Oualata, ni la forteresse qui domine la cité surnommée la « grande sœur de Tombouctou », ni le coucher de soleil sur la rivière de sable foulée par une caravane de dromadaires transportant du sel. Pour l’édition 2018 du Festival des villes anciennes, organisée cette année à Oualata, il n’y avait pratiquement que des Mauritaniens, quelques milliers.

La Mauritanie, destination touristique très prisée des Français de la fin des années 1990 à la moitié des années 2000, n’attire plus grand monde depuis les premières attaques terroristes. Le tourisme connaît aujourd’hui un léger sursaut. Mais pas ici, pas encore à Oualata.

Classé en zone rouge

L’ancienne étape caravanière sur les pistes commerciales transsahariennes – important centre culturel négro-africain aussi bien qu’arabo-berbère avant d’être supplanté par sa « rivale » Tombouctou à partir du XVe siècle – ne se réveille que le temps d’un festival ou presque. Parfois, le temps d’un tournage de film, lorsque l’ancien « rivage de l’éternité » a servi de décor au long-métrage Timbuktu du réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako, couronné par sept Césars en 2015, dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur.

Tout l’est du pays, frontalier d’un Mali en ébullition, est en effet classé en zone rouge par le Quai d’Orsay, zone où « il est formellement déconseillé [aux ressortissants français] de se rendre ». Le site du ministère des affaires étrangères justifie ce classement par une énumération de violences passées : « L’attentat-suicide perpétré contre l’ambassade de France le 8 août 2009 ; l’enlèvement, en novembre 2009, sur la route Nouakchott-Nouadhibou, de trois Espagnols travaillant pour le compte d’une ONG ; l’enlèvement en décembre 2009 de deux touristes italiens près de la frontière malienne et la tentative d’attentat déjouée contre l’ambassade de France en février 2011. On rappellera également l’enlèvement au Mali d’un ressortissant français venant de la frontière mauritanienne le 20 novembre 2012. »

Joyaux sahariens

Depuis, pourtant, la Mauritanie est calme. « Cette zone rouge s’explique de moins en moins », nous disait le président Mohamed Ould Abdelaziz en marge de ce festival imaginé en 2011 pour désenclaver et relancer l’activité dans les villes anciennes et joyaux sahariens de Ouadane, Chinguetti, Tichitt et Oualata. « Nous avons fait beaucoup d’efforts pour sécuriser le pays », ajoutait-il. « Regardez le Sahara sur une carte, de la Mauritanie au Soudan, en passant par la Libye, le Niger ou le Mali. Il n’y a pas beaucoup d’autres destinations aussi sûres que la Mauritanie pour les amoureux du désert », défend Mohamed Mahmoud Ne, directeur de l’Office national du tourisme.

Le Quai d’Orsay a d’ailleurs pris acte de cette réalité. Il y a un an, les recommandations aux voyageurs ont été allégées. La région de l’Adrar, au centre du pays, a été déclassée passant du rouge à l’orange. Rencontré dans les rues de Oualata, le conservateur du musée de la ville d’Atar, « capitale » de l’Adrar, salue cette évolution. « Mais nous sommes encore loin du compte et du niveau d’activité d’il y a dix ans, lorsque les touristes faisaient vivre des milliers d’hôteliers, guides, chameliers, loueurs de voiture, épiciers… », constate El Khalil N’tahah.

Quelques tour-opérateurs – dont Point-Afrique, pionnier en la matière – ont en effet réinscrit la destination à leur catalogue. Mais le chemin est encore long avant de recouvrer le niveau de fréquentation d’avant la crise sécuritaire. A cette époque, l’aéroport d’Atar, la porte vers Ouadane ou Chinguetti, accueillait environ 17 000 voyageurs par an. La saison passée, toute la Mauritanie n’a reçu que 1 500 touristes.

La Mauritanie face au risque sécuritaire : sommaire de notre série

Depuis 2011, la Mauritanie est épargnée par les attaques terroristes alors que les violences de groupes armés continuent d’ensanglanter le Mali voisin, le Niger et le Burkina Faso. Cette stabilité découle notamment de la politique volontariste menée par le président – et ex-général – Mohamed Ould Abdelaziz, au pouvoir depuis 2008, pour restructurer et rééquiper les forces de sécurité mauritaniennes. Cet équilibre est fragile, notamment le long de la frontière malienne. C’est là où les autorités, assistées par un programme financé par l’Union européenne, entendent réduire la menace grâce, notamment, à un projet pilote conduit à la fois au profit des forces armées que de la population vivant dans cette zone enclavée.