Des foules revêtant les fameux gilets fluo, des cagoules noires, des forces de l’ordre, des drapeaux français, sans oublier les gaz lacrymogènes et les flammes. Devant, au choix, l’Arc de triomphe, la place de la République, ou la tour Eiffel. Les photos qui s’affichaient samedi 8 décembre dans la soirée en « une » des grands sites d’informations étrangers, après une nouvelle journée de mobilisation des « gilets jaunes », rappelaient fortement les images d’échauffourées du week-end dernier, qui avaient stupéfié dans et hors des frontières de l’Hexagone. « Le quatrième acte (…) s’est déroulé samedi à Paris dans un contexte désormais familier de slogans et de gaz lacrymogènes », résume ainsi le Washington Post.

Même impression de déjà-vu au New York Times. « Le quatrième week-end de défilés antigouvernementaux en France a de nouveau basculé dans la violence samedi, avec des manifestants à Paris qui ont brûlé des voitures et arraché des barricades sur les devants des magasins, tandis que la police antiémeute a tiré des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour contrôler la foule », liste le quotidien américain.

« Paris ressemble à une ville en état de siège »

Mais comme en France, la presse s’est attachée à trouver les différences avec la semaine passée. En premier lieu, l’allure « irréelle » de la capitale française ce samedi, pour Le Soir. « Avec 8 000 policiers mobilisés pour autant de manifestants, Paris ressemble à une ville en état de siège. Les monuments sont fermés, le Champ de Mars et le Trocadéro, quasi déserts. Des panneaux de bois ont été cloués sur les vitrines des commerces. Le quartier [de l’avenue Kléber est] survolé en permanence par un hélicoptère », détaille le quotidien belge. « Le concert des sirènes est presque ininterrompu » près de la gare Saint-Lazare, complète le journal belge Le Temps.

Il y avait aussi moins de manifestants : 125 000 sur le territoire, selon le ministre de l’intérieur Christophe Castaner, soit « la plus faible participation depuis le début du mouvement », explique le New York Times. Parmi eux, 10 000 se trouvaient à Paris, c’est donc moins, poursuit le journal, que la « marche climatique planifiée [ce samedi également] par des écologistes pour soutenir les politiques visant à ralentir le réchauffement climatique, qui a attiré environ 17 000 personnes ». Le nombre de forces de l’ordre déployées était plus important : les autorités avaient « l’impératif d’empêcher un nouvel Armageddon », estime El Pais, pour qui, avec 89 000 agents dans tout le pays, « le déploiement de la force a été à la mesure du défi ». Ces forces de l’ordre étaient aussi plus armées avec notamment « 12 véhicules blindés dans la capitale française, signe de la nervosité des autorités », analyse le NYT. Enfin, la journée a donné lieu à plus d’interpellations : 1 385 sur l’ensemble de la France ayant donné lieu à 975 gardes à vue, selon la place Beauvau, des « arrestations préventives [qui ont] empêché les pires présages de se réaliser », commente El Pais.

En régions, beaucoup de défilés étaient « pacifiques dans des villes comme Marseille, Nice et Nantes. Mais plus tard dans la journée, des affrontements ont éclaté à Bordeaux et à Toulouse, où les manifestants ont mis le feu à des barricades de fortune », raconte le New York Times. Le mouvement a aussi continué à essaimer à l’étranger, notaient plusieurs médias. En Belgique, 450 personnes ont été interpellées en marge d’une manifestation de gilets jaunes à Bruxelles, indique Le Soir. Aux Pays-Bas, une centaine de manifestants se sont réunis devant le Parlement à La Haye, rapporte la BBC. En Italie, selon La Stampa, un rassemblement a provoqué des ralentissements à la frontière de Vintimille.

Une « rage » dirigée « directement contre le président »

La presse étrangère relevait ce week-end encore la tentation révolutionnaire de plusieurs manifestants. « Un souffle de révolution flotte dans l’air », pouvait-on lire sur le site du quotidien allemand Die Welt. « C’est carrément de révolution que parlent Marie-Noëlle et Stéphane. Ceux-là portent un bonnet rouge et un bonnet phrygien », écrit Le Soir après avoir rencontré à Paris deux manifestants venus de Rennes, ajoutant que la jeune femme ne réclame « pas seulement de l’argent » mais « plus d’égalité et de fraternité ».

Surtout, pour plusieurs médias, les défilés sont désormais résolument anti-Emmanuel Macron. « Pourquoi les gilets jaunes protestent-ils encore en France ? La raison s’appelle Macron », titre le Washington Post. Avant d’expliciter : « la manifestation hebdomadaire “gilet jaune” (…) a aussi apporté des éclaircissements sur la direction que prend la rage : directement contre le président ». La BBC note que si le soutien au mouvement est en baisse, « selon un sondage d’opinion réalisé vendredi, il s’est maintenu à 66 % ». Alors que la cote du locataire de l’Elysée « a chuté à 23 % dans le contexte de la crise ».

Le chef de l’Etat, resté jusqu’ici silencieux, s’exprimera la semaine prochaine, a annoncé le premier ministre Edouard Philippe. La teneur de ses futures annonces pourrait décider du futur des « gilets jaunes », met en garde El Pais : « L’annonce d’une reprise de parole du président en début de semaine n’a pas (…) permis de calmer l’ambiance ce samedi. Angélique [une manifestante] l’a dit clairement : “Macron va devoir être très crédible, sinon nous retournerons à Paris autant de fois qu’il le faudra”. Le pays s’orienterait alors vers un acte V. »