A Marseille, le premier conseil municipal après la catastrophe de la rue d’Aubagne devait s’ouvrir, lundi 10 décembre, par un moment de recueillement des élus, un débat qui s’annonçait tendu sur la question de l’habitat indigne et le vote de plusieurs délibérations d’urgence concernant l’aide aux sinistrés. Les huit victimes de l’effondrement du 5 novembre devront finalement attendre encore un peu pour recevoir un hommage officiel de la municipalité marseillaise.

Moins de vingt-quatre heures avant la tenue du conseil, Jean-Claude Gaudin a annoncé son report, dimanche 9 décembre au matin, par un communiqué à la presse. Le maire (Les Républicains) y met en avant les circonstances nationales et « les débordements qu’ont connus les manifestations de ces derniers jours » à Paris et dans le reste de la France. « La tension que connaît le pays actuellement nous impose la décence et la prudence nécessaires, pour ne pas aggraver encore cette situation », écrit-il, assurant avoir pris sa décision après en avoir informé le préfet de région Pierre Dartout.

Samedi, comme dans la plupart des grandes villes, des incidents violents et des scènes de pillage sur la Canebière et autour du Vieux-Port ont conclu la journée de mobilisation des « gilets jaunes ». Mais à Marseille, le contexte national ne peut occulter la réalité d’une colère très locale, exacerbée depuis le drame de la rue d’Aubagne. Trois fois en un mois, près de 10 000 personnes ont défilé pour protester contre l’habitat indigne aux cris de « Gaudin démission ». Samedi, la mairie du 1er secteur, où se situe la rue d’Aubagne, et le siège de la Soleam, l’agence d’aménagement de la municipalité chargée de la réhabilitation du quartier Noailles, ont été saccagés par des manifestants. Deux cibles symboles, sans aucun rapport avec les revendications des « gilets jaunes » ou le pillage de la boutique de l’OM sur le trottoir d’en face.

Lundi, le conseil municipal devait être l’occasion d’une nouvelle convergence des mécontentements. A l’appel du Collectif du 5 novembre, qui accompagne les sinistrés, du collectif contre le partenariat public-privé des écoles, gigantesque projet de reconstruction à un milliard d’euros, de l’assemblée de La Plaine, opposée au réaménagement de la plus grande place de la ville, plusieurs centaines de Marseillais avaient prévu de se rendre en cortège à la mairie en portant huit cercueils factices.

« Stratégie de l’évitement »

A l’extrême droite comme à gauche, les opposants à Jean-Claude Gaudin dénoncent sa décision. « Je crains que cette stratégie de l’évitement n’accroisse l’incompréhension des Marseillais et une indignation légitime », note la sénatrice socialiste Samia Ghali. « La mairie a tort d’avoir peur des Marseillais. Elle doit au contraire les écouter ! », s’alarme le président du groupe PS municipal, Benoît Payan, qui invitait M. Gaudin à recevoir, dès lundi matin, les représentants citoyens « qui sont des manifestants pacifiques ».

Le Collectif du 5 novembre, lui, avait décidé de maintenir son appel à manifester. « Là où ce conseil municipal aurait dû permettre de prendre des mesures fortes, concernant la gestion de l’urgence comme la résorption de l’habitat indigne, Jean-Claude Gaudin décide donc de reporter aux calendes grecques la protection de ses administrés », assure l’association, pour qui les « soi-disant débordements liés aux manifestations pour le logement sont la conséquence de ce mépris social et politique, de l’absence de décisions claires des pouvoirs publics, auquel s’ajoute la répression policière démesurée ».

Le maire de Marseille assure qu’un prochain conseil municipal « se tiendra avant la fin de l’année ». Un calendrier difficile à tenir compte tenu de la proximité des vacances de Noël. Sur Twitter, l’ancien candidat PS à la mairie, Patrick Mennucci, a ironisé : « Le mieux serait de convoquer le conseil municipal de Marseille le 25 décembre entre 12 h 30 et 15 heures ou le 31 à minuit, ainsi ça sera tranquille. »