L’ancien dirigeant de Nissan, Carlos Ghosn, le 11 mai 2012, au siège du constructeur automobile, à Yokohama (Japon). / TORU YAMANAKA / AFP

Carlos Ghosn a été mis en examen, lundi 10 décembre. Après vingt-deux jours de garde à vue, le parquet de Tokyo a décidé d’inculper l’ancien président de Nissan pour avoir minoré les déclarations de revenus remises aux autorités financières japonaises entre les exercices 2010 et 2014. M. Ghosn a par ailleurs été à nouveau placé en garde à vue pour des faits similaires, mais pour les exercices 2015 à 2017. Si cette nouvelle détention était prolongée, il pourrait rester derrière les barreaux pendant vingt-deux nouvelles journées.

Son proche conseiller Greg Kelly, arrêté en même temps pour complicité, a lui aussi été mis en examen. Depuis leur placement en détention, les deux hommes nient toute malversation.

Le parquet a aussi engagé une procédure contre Nissan en tant qu’entreprise, dont la responsabilité dans l’affaire Ghosn pourrait être engagée. Les déclarations de revenus sont normalement rédigées par les services de la société et non par la personne concernée.

Cela pourrait placer l’actuel PDG et président par intérim Hiroto Saikawa dans une position délicate. Au matin du 10 décembre, M. Saikawa a déclaré à la presse japonaise « n’avoir rien à déclarer, pour le moment ».

Saikawa, « l’âme damnée de Ghosn »

Dans le même temps, le Wall Street Journal (WSJ) du 9 décembre croit savoir que l’arrestation de M. Ghosn est survenue à un moment où il voulait se séparer de M. Saikawa.

Depuis sa nomination à la direction générale de Nissan en juin 2017, ce dernier aurait commencé à se distancier de la politique de M. Ghosn, revenant sur la stratégie qui consistait à fixer d’ambitieux objectifs chiffrés. Les relations entre les deux dirigeants se seraient ensuite tendues autour du projet de fusion, amorcé ces derniers mois, entre Renault et Nissan, et auquel M. Saikawa semblait s’opposer.

D’après un bon connaisseur du dossier, « tout le monde a toujours détesté Saikawa. Il était l’âme damnée de Ghosn, le premier à accepter les défis les plus durs à relever. Il était extrêmement brutal avec ses subordonnés. Quand il est devenu le patron de Nissan, il s’est retrouvé seul aux manettes. » Aurait-il décidé de tuer le père ? Au moment du scandale des inspections finales des véhicules, Carlos Ghosn aurait littéralement « laissé tomber Saikawa ».

Baisse du profit opérationnel de Nissan

Dans le même temps, M. Ghosn aurait été mécontent de la baisse des performances du constructeur nippon, le profit opérationnel ayant reculé de 17 % entre avril et septembre.

Il n’aurait également guère apprécié la gestion des scandales ayant touché Nissan, notamment celui des inspections finales des véhicules, qui a éclaté en septembre 2017 mais qui ne serait pas réglé. Il a contraint le groupe à rappeler plus d’un million de véhicules au Japon. Et un nouveau rappel de 150 000 voitures a été annoncé le 7 décembre.

D’après le connaisseur du dossier, quand le scandale a éclaté, Carlos Ghosn a littéralement « laissé tomber Saikawa, le laissant se débrouiller seul », ce qu’il n’aurait pas apprécié.

Enfin, ajoute le WSJ, l’âge entrerait aussi en compte dans la volonté de M. Ghosn. Hiroto Saikawa a 65 ans.