Au grand supermarché des visas pour riches étrangers qui veulent cacher leur argent, le Royaume-Uni vient de fermer son étalage. Le gouvernement britannique a provoqué la surprise en supprimant, depuis vendredi 7 décembre, les visas destinés aux « investisseurs ». Condamnés par l’association Transparency International comme « un outil pour blanchir l’argent de la corruption », ces visas dits « tier 1 » étaient l’une des méthodes favorites pour les milliardaires du monde entier de s’installer au Royaume-Uni. La grande majorité d’entre eux étaient chinois et russes.

Pour qui dispose d’un portefeuille très garni, le système était particulièrement simple. Pour 2 millions de livres (2,2 millions d’euros) injectés dans l’économie britannique, l’heureux demandeur recevait un permis de séjour, qui ouvrait le droit à l’autorisation de résidence permanente au bout de cinq ans. En montant à un investissement de 10 millions de livres, la période d’attente était réduite à deux ans. Cela donnait ensuite la possibilité de facilement accéder à la nationalité britannique.

Créé en 2008, ce système de visas a longtemps été une complète « boîte noire ». « Les banques estimaient que le ministère de l’intérieur devait faire les vérifications sur l’origine de l’argent, et le ministère de l’intérieur renvoyait la responsabilité aux banques, expliquait en mars au Monde Rachel Davies, membre de Transparency International. Résultat, il y a eu très peu de vérifications. »

Une pratique développée après la crise financière de 2008

A son pic, en 2015, près d’un millier de visas par an étaient attribués. Mais, quand certains contrôles ont finalement été mis en place cette année-là, la plupart des demandes se sont mystérieusement évaporées, diminuant des trois quarts… Mais les mailles du filet n’étaient visiblement pas très serrées. « Nous ne tolérerons pas les gens qui ne respectent pas les règles et abusent du système », a expliqué la secrétaire d’Etat à l’immigration, Caroline Nokes, pour justifier la suppression des visas « tier 1 ».

Outre les soupçons de blanchiment, l’utilité économique de ce système était de toute façon très limitée. Les « investisseurs » ne mettaient généralement leur argent que dans des obligations du Trésor. En clair, ils obtenaient un visa en prêtant de l’argent au gouvernement britannique, dont ils tiraient ensuite des bénéfices. Si l’objectif, louable, était d’attirer de vrais entrepreneurs, il a échoué.

D’autres pays européens sont sur les rangs des visas à acheter, une pratique qui s’est développée après la crise financière de 2008. Malte est le plus connu, mais Chypre, le Portugal, la Grèce ou encore la Bulgarie et la Hongrie ont des systèmes similaires.

Le gouvernement britannique annonce qu’il entend réformer son système « tier 1 » et le rouvrir en 2019. Les investissements dans les obligations seront alors interdits et des auditeurs seront chargés d’inspecter l’origine des fonds.