L’université d’Oxford, l’un des plus prestigieux établissements britanniques. / Alan Copson/robertharding / Photononstop / Alan Copson/robertharding / Photononstop

« C’est une ouverture vers l’inconnu qui s’amorce », résume Florent Bonaventure, de l’agence Campus France. Alors que le vote de l’accord du Brexit au parlement britannique, initialement prévu mardi 11 décembre, a été repoussé, nombre d’établissements français s’interrogent : comment ce divorce affectera-t-il les accords d’échanges et les mobilités étudiantes vers les universités britanniques ?

Deuxième destination mondiale pour les étudiants en échange, le Royaume-Uni accueillait entre 2015 et 2016 près de 20 000 étudiants français, grâce au programme Erasmus ou en mobilité diplômante (notamment au travers de doubles diplômes).

Une destination de référence, portée par le prestige de certains établissements comme Oxford, Cambridge ou le King’s College. Mais le vent va-t-il tourner ? « Pour l’instant, nous ne mesurons pas d’impact significatif sur le choix des destinations, mais nous sentons une vive inquiétude », remarque Guillaume Duseigneur, responsable des relations internationales à Science Po Lille.

Incertitudes sur les droits d’inscription

Aujourd’hui, les flux d’étudiants se maintiennent, constatent des établissements : les étudiants français n’ont pas rayé de leurs listes de destinations les universités britanniques. Ainsi, à Science Po Paris, on ne remarque « aucun changement » : les élèves n’entendent pas se priver du prestige de certains partenariats. Mais à moyen terme, des effets dissuasifs sur les flux d’étudiants sont redoutés.

Première incertitude : les frais de scolarité que les Français devront payer pour étudier dans ces universités britanniques. Si le programme Erasmus et ses avantages demeurent maintenus pour l’année universitaire 2019-2020, les candidats à des doubles diplômes ou ceux qui s’inscrivent directement dans une formation s’inquiètent.

« Pourront-ils toujours bénéficier d’un tarif préférentiel lié à leur statut d’Européen, ou seront-ils basculés sur le tarif international, auquel sont notamment soumis les étudiants chinois, qui paient trois fois plus cher pour une année de master », s’interroge le responsable des relations internationales de Sciences Po Lille. Cette augmentation « risquerait d’instaurer une sélection par l’argent entre les étudiants qui pourront se le permettre et ceux qui ne le pourront pas », poursuit-il.

Un marché de l’emploi moins attractif ?

Pour Florent Bonaventure, de Campus France, la menace pèse surtout sur l’insertion en fin de cursus. « Faire ses études supérieures au Royaume-Uni garantissait jusqu’ici de fortes opportunités de trouver un emploi sur place, assure-t-il. Mais la facilité d’accès au marché du travail britannique sera-t-elle maintenue pour les étudiants français ? Nous sommes encore dans le doute. » Une autre inquiétude plane : la politique d’obtention des visas, qui pourrait compliquer les mobilités étudiantes vers le Royaume-Uni.

Face à l’incertitude de l’issue des négociations du Brexit, certains établissements français sont allés jusqu’à suspendre les échanges avec le Royaume-Uni. « Si les discussions se soldaient sur un Brexit “sans accord” et sur une suppression de la libre circulation des personnes, cela pourrait provoquer de grosses difficultés administratives dont nous préférons nous prémunir », explique Marc Bouvet, responsable de la troisième année de licence à la faculté d’Angers. L’université angevine encourage donc ses étudiants à se déporter sur d’autres destinations comme le Canada et les Etats-Unis – un choix qui n’est pas partagé par tous les établissements.

Attentisme dans la signature d’accords

Reste que ce climat de doute sur le moyen et long terme encourage les universités à l’attentisme, des deux côtés de la Manche. « Cette période d’incertitude n’incite pas à multiplier les accords bilatéraux entre établissements. Les universités attendent de voir ce qui va se dessiner », confirme Khaled Bouabdallah, vice-président de la Conférence des présidents d’université.

S’ils ne jouissent plus d’une visibilité claire sur les mobilités de leurs étudiants, les établissements français voient malgré tout apparaître une opportunité : celle d’une place à prendre sur un marché très concurrentiel.

De nombreuses grandes écoles, instituts d’études politiques ou universités ont accéléré leurs opérations de communication auprès des étudiants européens. Avec un objectif : capter ces jeunes étudiants qui jadis se tournaient vers les universités britanniques, et que le Brexit rend frileux.