Des ouvriers travaillent au désamiantage du campus de Jussieu, le 25 janvier 2005 à Paris. / JEAN AYISSI / AFP

Le procès pénal de l’amiante n’aura pas lieu. La Cour de cassation a confirmé, mardi 11 décembre, l’annulation de la mise en examen de huit industriels, scientifiques et hauts fonctionnaires dans deux dossiers emblématiques de ce scandale sanitaire, ceux du campus parisien de Jussieu et des chantiers naval Normed de Dunkerque.

La plus haute juridiction judiciaire avait été saisie par des associations de victimes et d’un syndicat. Ils contestaient l’annulation des poursuites contre neuf responsables publics (un étant mort depuis), impliqués entre 1982 et 1995 dans le Comité permanent amiante (CPA). Les parties civiles accusent cette structure d’avoir, par son lobbying, retardé l’interdiction de sa fabrication, de sa transformation et de sa mise sur le marché en France, décidée en 1997. A cette date, sept autres pays européens avaient déjà interdit la fibre.

Pas de pouvoir décisionnaire

Ces neuf responsables publics avaient été mis en examen entre fin 2011 et début 2012 pour homicides et blessures involontaires. En septembre 2017, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait, pour la deuxième fois, annulé leur mise en examen. Elle avait estimé qu’ils ne pouvaient à l’époque avoir une connaissance exacte des dangers de la fibre cancérogène – les avancées scientifiques étant en constante évolution –, et qu’ils ne disposaient pas d’un pouvoir décisionnaire. Aucune faute ne pouvait donc leur être imputée, selon elle.

La CFDT, le comité anti-amiante de Jussieu, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) et l’Association régionale de défense des victimes de l’amiante (Ardeva) du Nord-Pas-de-Calais avaient formé un pourvoi en cassation, espérant obtenir un procès pénal dans cette instruction vieille de vingt-deux ans.

« Il s’agit d’une décision qui pose des difficultés de procédure et qui sera donc soumise à la Cour européenne des droits de l’homme », a réagi Guillaume Hannotin, avocat de l’Andeva et de l’Ardeva. A ses yeux, cette décision « ne met pas fin au dossier puisque celui-ci est fait de chair et d’os : chaque jour, l’amiante cause de nouveaux décès, ces morts sont autant de faits nouveaux qui seront jugés ».

Au contraire pour Jean-Philippe Duhamel, avocat de Patrick Brochard, pneumologue et membre à l’époque du Comité permanent amiante, cette étape judiciaire « met un terme définitif aux allégations de responsabilités pénales des membres du CPA ».

En 2012, les autorités sanitaires estimaient que l’amiante pourrait provoquer d’ici à 2025 3 000 morts chaque année causées par des cancers de la plèvre ou des cancers broncho-pulmonaires.