Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, en septembre 2017 à Paris. / LUDOVIC MARIN / AFP

On ne l’a pas entendu depuis le début de la crise. En coulisses, il a pourtant glissé des conseils à l’oreille d’Emmanuel Macron. Nicolas Sarkozy a été reçu à l’Elysée par l’actuel président, vendredi 7 décembre, ont indiqué au Monde plusieurs sources, confirmant une information de Valeurs actuelles. Organisée à la demande de M. Macron, cette rencontre autour d’un déjeuner a eu lieu la veille de la quatrième mobilisation des « gilets jaunes ». Et surtout, trois jours avant le discours de M. Macron, lundi 10 décembre, lors duquel ce dernier a dévoilé des mesures en faveur du pouvoir d’achat, dans l’espoir de dissuader les manifestants de poursuivre leur mouvement.

Lors de leur échange, l’actuel et l’ancien président ont justement évoqué la question du retour à l’ordre, ainsi que la défiscalisation des heures supplémentaires, explique l’entourage de M. Sarkozy, confirmant une information du Figaro. Comme le confie un proche :

« Ils ont échangé sur plusieurs sujets. Il y en a qui comptent plus que d’autres pour Nicolas Sarkozy, en particulier le respect de l’ordre public et la problématique du pouvoir d’achat. »
L’exonération des heures supplémentaires, mesure phare de M. Sarkozy en 2007

Sur ce dernier point, l’ancien chef de l’Etat semble avoir été écouté. M. Macron a annoncé lundi soir une exonération des heures supplémentaires d’impôt et de cotisations sociales, reprenant une mesure phare de M. Sarkozy en 2007, qui avait ensuite été abrogée en 2012 par son successeur François Hollande.

Une décision saluée dans les rangs de la droite. Emmanuel Macron « reprend nos propositions », s’est réjoui le député Les Républicains (LR), Guillaume Peltier, mardi, dans Le Parisien. Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, a, lui, critiqué les idées « made in Sarkozy » de M. Macron, mardi 11 décembre, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale.

Et pour cause : M. Sarkozy a eu une influence réelle sur les décisions prises par M. Macron, selon un proche de ce dernier, qui va jusqu’à présenter l’ex-président comme le « corédacteur » du discours de l’actuel chef de l’Etat. « C’est totalement faux ! », jure l’entourage de M. Sarkozy, qui dresse le portrait d’un homme « en retrait de la vie politique », uniquement prêt à « partager son expérience » pour « le bien de la démocratie ». « Ce qui compte, c’est la France », souligne le député sarkozyste, Guillaume Larrivé :

« Tant mieux si l’ex-président parle à l’actuel président, pour tenter d’éteindre le feu qui a été allumé par les erreurs macroniennes. »

« L’anomalie, c’était plutôt entre 2012 et 2017 »

« Il est tout à fait logique que M. Macron consulte d’anciens chefs de l’Etat, même s’il ne les reçoit pas tous », analyse le sarkozyste Brice Hortefeux dans une référence implicite à François Hollande, qui ne voit plus jamais son successeur :

« Cela devrait être l’attitude normale de tout président en exercice. Quand il était à l’Elysée, Sarkozy avait bien vu Giscard, qui lui avait dit : Finalement, aujourd’hui, il n’y a que vous et moi qui savons ce qu’est le poids des responsabilités présidentielles. »

« L’anomalie, c’était plutôt entre 2012 et 2017, quand Hollande ne nous consultait pas », poursuit l’ex-ministre de l’intérieur, qui doit lui-même s’entretenir avec Christophe Castaner la semaine prochaine.

L’exécutif assume d’avoir consulté M. Sarkozy

L’exécutif, de son côté, assume d’avoir consulté M. Sarkozy, en lui reconnaissant le mérite de ne pas avoir profité de la séquence pour tenter d’affaiblir M. Macron, comme l’ont fait les responsables de l’opposition. « Il y a un respect mutuel entre eux », souligne l’Elysée. « Sarkozy a été incroyable tout au long de la crise, de loin le plus intelligent à droite : il a été le seul à ne rien dire. Il n’a cherché ni à récupérer, ni à critiquer, ni à soutenir. Pendant tout ce temps, tous les autres se sont jetés dans le marigot », observe un conseiller de Matignon.

En revanche, dans la majorité, la proximité entre MM. Macron et Sarkozy en fait tousser certains. Essentiellement du côté de l’aile gauche. « Ce n’est pas rassurant », juge un député La République en marche (LRM), inquiet de voir le chef de l’Etat sensible à des recettes venues de la droite. Ainsi, le député LRM du Val-d’Oise, Aurélien Taché, met en garde :

« Ecouter le Sarkozy du travailler plus pour gagner plus et s’inspirer de la manière dont cet ancien président, lui aussi détesté par une partie des Français, a réussi à conserver son socle de soutien ne me pose pas de problème. Mais à une condition : que l’on ne reprenne pas sa ligne en matière d’identité et d’immigration. »

Si un député LR dénonce à son tour « un jeu trouble malsain » entre les deux ex-présidents, un pilier de la majorité, issu de la droite, tranche : « Je préfère qu’on soit inspiré par Sarkozy que par Hollande. »