Le fils de Sophie Pétronin, Sébastien Chadaud-Petronin (au centre), avec son cousin Lionel Granouillac (à droite) et l’ancien otage franco-colombienne Ingrid Betancourt. / PHILIPPE WOJAZER / REUTERS

C’est un homme, un clan, qui se dit « fatigué » mais « déterminé » et qui promet qu’il « ne lâchera pas » le combat qui lui a été imposé. Sébastien Chadaud-Pétronin, le fils de Sophie Pétronin, la dernière otage française au Sahel, navigue désormais entre le Jura suisse, où il est installé, et les capitales africaines, où il espère trouver la clé qui lui permettra de faire libérer sa mère. Travailleuse humanitaire, elle avait été enlevée le 24 décembre 2016 à Gao, au Mali, et se trouve depuis détenue par une katiba sous l’autorité du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, la principale organisation djihadiste de la région.

Entouré de ses cousins, Lionel et Cédric Granouillac, appuyé par l’ex-otage franco-colombienne Ingrid Betancourt, Sébastien Chadaud-Pétronin a donné rendez-vous, vendredi 14 décembre dans une brasserie parisienne, pour une conférence de presse destinée à interpeller Emmanuel Macron, qui « se doit de la sortir de là ». Il s’excuse de son manque d’habitude des « usages », remercie « les journalistes, indispensables dans cette affaire », « les ambassadeurs de France pour leur humanité », « le Quai d’Orsay qui n’a pas une position facile » et même, au risque de choquer, « les gens qui détiennent [s]a mère parce que je sais qu’ils l’ont bien traitée ». Selon des informations qu’il reconnaît très parcellaires, l’otage, âgée de 73 ans, va « un peu mieux » même si de grandes craintes persistent sur son état de santé.

Communication et rançon

Sébastien Chadaud-Pétronin n’est cependant pas à ranger dans la catégorie des personnes qui attendent patiemment que d’autres, plus qualifiées, se chargent de régler leurs problèmes. Entre le 16 novembre et le 8 décembre, il a voyagé entre Nouakchott, en Mauritanie, Bamako, au Mali, et Paris, pour, dit-il, établir « un mécanisme de communication » avec les ravisseurs qui « ont peur qu’elle décède entre leurs mains ».

Il a été reçu dans les présidences des deux capitales africaines visitées. A l’en croire, « après quinze jours de démarches sur place », une personnalité locale, dont il tait le nom, a accepté de « faire tandem » avec lui pour servir de relais auprès des djihadistes, tandis que lui-même assurerait la communication avec Paris. « Au deuxième rendez-vous », rapporte Sébastien Chadaud-Pétronin, « une proposition claire » a été formulée. « Sa libération n’était pas un problème de montant. Il était anormalement bas et correspondait à peu près au prix d’une évacuation sanitaire d’urgence », poursuit-il. Selon certaines sources, la rançon demandée se comptait en centaines de milliers d’euros, un prix supérieur à une évacuation, mais bien en deçà des montants habituels.

D’autres conditions, comme des libérations de prisonniers, ont-elles été posées ? « Non ! J’ai demandé juste un peu de temps pour faire remonter cela au Quai d’Orsay », dit-il. Retour alors en urgence à Paris où, à l’entendre, il n’a reçu des autorités françaises qu’« objections, complications et mauvaise volonté. Le Quai a considéré que mes contacts n’étaient pas fiables ». Du côté des autorités françaises, une bonne source explique, sous couvert d’anonymat, que Sébastien Chadaud-Pétronin a été « reçu 12 fois » au Quai d’Orsay, qu’il est accompagné « comme aucune famille d’otage ne l’a été », mais qu’il ne facilite pas la tâche et surtout que ses agissements le mettent en danger de se faire kidnapper.

Un « travail de sape » de Paris

A écouter le fils de Sophie Pétronin, davantage que le refus de verser une rançon en contrepartie d’une libération, un principe maintes fois énoncé par Paris mais rarement appliqué dans les faits, les autorités françaises bloquent toute possibilité de discussion avec les djihadistes. « Ils ont fait un travail de sape sur les gouvernements. A Bamako, on m’a fait comprendre que le problème de ma mère, c’est le problème du Nord-Mali, où l’on ne peut pas parler avec les djihadistes depuis que M. Macron en a décidé ainsi… Il suffit d’une décision de sa part », dit ainsi Sébastien Chadaud-Pétronin.

Reste que cette position de fermeté était déjà en vigueur sous François Hollande. Ainsi lors de la Conférence d’entente nationale, qui s’était achevée le 2 avril 2017 à Bamako, l’une des recommandations des participants invitait à « promouvoir une culture de paix et de dialogue avec tous les fils de la nation, y compris avec des islamistes maliens ». Cinq jours plus tard, Jean-Marc Ayrault, alors chef de la diplomatie française, arrivait au Mali pour marteler que se poursuivait le « combat sans ambiguïté » contre les terroristes.

A cette perspective d’une guerre sans fin au Sahara et au Sahel, l’ancienne otage Ingrid Betancourt oppose que « les terroristes » peuvent se muer en interlocuteurs. « Il faut parler avec eux… regardez la Colombie », dit-elle, incitant les Français à faire entendre leur voix pour que l’Elysée soit davantage mobilisé. Car dit-elle, sa libération des mains de la guérilla des FARC a été obtenue en 2008, plus de six ans après son enlèvement, parce que « le président Sarkozy m’a considérée comme une urgence personnelle. »

Depuis Bruxelles, Emmanuel Macron a dit, vendredi, entendre l’« inquiétude » du fils de Sophie Pétronin et qu’« aucune piste n’est abandonnée » pour obtenir la libération de l’otage. « L’Etat, a-t-il ajouté, continuera d’agir sans relâche pour retrouver notre compatriote, mais une telle démarche exige professionnalisme et discrétion. »