Mario Draghi, président de la BCE, le 13 décembre à Francfort. / DANIEL ROLAND / AFP

La page est tournée. Jeudi 13 décembre, la Banque centrale européenne (BCE) a confirmé qu’elle interromprait ses rachats nets de dettes publiques et privées (le quantitative easing, en anglais, ou QE), destinés à soutenir l’économie, à la fin du mois. Cette décision était attendue depuis juin. Elle n’en reste pas moins historique : depuis mars 2015, l’institution a racheté pour plus de 2 500 milliards d’euros d’obligations. Un montant colossal pour un programme qui, depuis son lancement, n’a cessé de soulever les critiques quant à ses possibles effets secondaires.

Qu’importe : selon Mario Draghi, le président de la Banque centrale, la zone euro est désormais suffisamment solide pour s’en passer. Et ce, même si les derniers indicateurs économiques suggèrent « une dynamique de croissance plus faible qu’auparavant ». La BCE reste donc confiante… Mais se montre plus prudente. De fait, elle a révisé ses prévisions à la baisse : elle table désormais sur une croissance de 1,9 % cette année et de 1,7 % en 2019, contre respectivement 2 % et 1,8 % estimés précédemment.

La politique de la BCE restera accommodante longtemps encore

Au regard de ce ralentissement, l’institut de Francfort aurait-il dû prolonger son QE ? Ou bien aurait-il dû l’interrompre beaucoup plus tôt, en 2017, lors du rebond de la croissance ? Les économistes se déchirent sur la question. « Dans tous les cas, elle a réussi à interrompre cette arme de crise sans créer de vagues sur les marchés ou dans l’économie », observe Carsten Brzeski, chez ING. Il y a quelques mois encore, certains prédisaient que la fin du QE déclencherait une nouvelle crise…

Reste que la BCE n’en a pas complètement terminé avec ce programme. Elle continuera de racheter les obligations arrivant à échéance, de façon que le stock de dettes qu’elle détient ne diminue pas. « Et ce, pendant encore au moins 18 à 24 mois », estime Oliver Rakau, chez Oxford Economics, dans une note sur le sujet. Soit bien après le relèvement de son taux directeur (aujourd’hui à zéro), qui n’interviendra pas avant la deuxième moitié de 2019.

Dit autrement : la politique de l’institut de Francfort restera très accommodante longtemps encore. Si le ralentissement se durcit, il pourra toujours accorder un nouveau prêt de long terme aux banques (un TLTRO) courant 2019. D’ici là, il devrait rester attentif aux tensions internes aux pays membres, susceptibles de heurter la croissance, notamment en Italie et en France. Interrogé sur le mouvement des « gilets jaunes », M. Draghi s’est déclaré « confiant dans la capacité du gouvernement français à faire face à ce problème de la meilleure façon possible ». Avant d’ajouter : « Nous condamnons la violence, mais le droit de manifester fait partie de notre démocratie. »