Les Françaises ont remporté dimanche leur premier titre européen. / FRANCK FIFE / AFP

C’est beau un stade qui chante à l’unisson. Sur la retenue lors de la demi-finale vendredi, le palais omnisport de Paris-Bercy n’a pas raté le rendez-vous dominical fixé par l’équipe de France féminine de handball. Devant 14 060 spectateurs enflammés – dès les premières mesures de la Marseillaise –, les Bleues ont remporté, dimanche 16 décembre, leur premier titre européen en prenant le meilleur sur la Russie (24-21) au terme d’un match haletant.

« C’est fou ce qu’on a fait. C’est extraordinaire ! On a su se démultiplier, et on a écrit l’histoire », s’est exclamée Alexandra Lacrabère, l’une des meilleures Françaises de la rencontre (6 buts). On leur promettait une montagne à gravir, elles ont eu droit aux montagnes russes en matière d’émotion. Après leur titre de championnes du monde l’an passé, les Bleues dominent plus que jamais le handball mondial. Et concluent en beauté une compétition où la sérénité aura été leur leitmotiv.

« Le bonheur ne tient pas qu’à un titre, a philosophé Olivier Krumbholz. Je l’ai dit aux joueuses dans le vestiaire : dans la vie, il fallait savoir apprécier les petits bonheurs de la vie de tous les jours et essayer d’attraper les grands bonheurs des grands moments. » Un grand moment comme celui que le coach français a vécu lors de cette finale. Le 454e match de sa carrière devant le banc des Bleues aura été « le plus exceptionnel en termes d’émotion, assure-t-il. Parce qu’il y avait un public fantastique et parce qu’il y a eu un sketch. Une décision arbitrale qui me paraît incroyable ».

Allison Pineau expulsée, ses coéquipières prennent le relai

Le sketch ? Un « péno » de Pineau ayant touché le visage de la gardienne russe. Après avoir revu l’action, la paire d’arbitres danoises décidait d’expulser la leader des Bleues, à plus de vingt minutes du terme de la partie. En larmes, et sous la bronca du public, la Brestoise quitte ses partenaires. « La règle dit : si tu mets la balle directement dans la tête de la gardienne qui ne bouge pas, tu peux prendre un carton rouge. Sauf qu’elle fait un geste… » a regretté Allison Pineau après la rencontre. A l’unisson, l’ambiance à Bercy monte de deux crans. C’est parfois beau un stade qui hue.

« Ils ont été géniaux, ils ont déstabilisé l’adversaire, chose que d’ordinaire le public français ne fait pas, a souligné Grâce Zaadi. Quand j’ai entendu ça, je me suis dit : OK, on est tous rivés vers la même direction. » « Quand on a vu les larmes d’Allison, on savait que ça allait être dur, parce que c’est un pilier de la défense, a poursuivi Gnonsiane Niombla. Mais il n’y avait pas moyen qu’on laisse filer ce match ». Appliquées en défense, les Françaises continuent d’appliquer leur plan à la lettre. Et après une interception suivi d’un but plein de malice de Manon Houette, elles reprennent trois longueurs d’avance.

La suite ressemble à une chanson de geste. Jamais les Russes ne parviendront à revenir à la marque, et, comme un symbole, les anciennes Alexandra Lacrabère – au jet de sept mètres – et Amandine Leynaud – de retour dans ses cages – bouclent la marque. La gardienne s’interpose une ultime fois, bloquant un spectaculaire kung-fu russe. « Dans les vingt dernières minutes, nous avons défendu de manière incroyable », a salué l’entraîneur. Pleines de maîtrise, les Françaises peuvent célébrer leur victoire en chaloupant sur leur hymne officieux de la compétition, « Djadja », qui aura accompagné leurs entraînements tout au long de l’épreuve.

S’ensuit un clapping avec le public, dirigé par Grâce Zaadi, cheffe d’orchestre même avec le public. Même Olivier Krumbholz, tout sourire se prend au jeu. Lui qui contait, en cours de tournoi, diriger « la plus belle équipe de [sa] carrière » pouvait exulter.

Seul l’or olympique leur manque désormais

Dès la victoire acquise, toutes les Bleues se sont jetées sur Allison Pineau. « On l’a fait pour toi », lui lancent ses coéquipières alors que la Brestoise, « passée par toutes les émotions » après son expulsion, s’effondre sur le terrain. « Je me suis dit qu’elles [les arbitres] m’ont vraiment volé quelque chose. Une finale, chez moi, vu les responsabilités que j’ai dans cette équipe... Mais c’est un fait de jeu, on a gagné », a conclu la joueuse.

« On l’a fait pour toi », crient les Françaises à Allison Pineau, expulsée en entame de seconde période. / Michel Euler / AP

Et de promettre, elle la soliste devenue musicienne d’orchestre - et travailleuse de l’ombre en défense - que les prochaines compétitions verraient une Allison Pineau différente. Il ne manque que l’or olympique à cette génération pour rassembler la main parfaite. Et Tokyo - compétition pour laquelle les Bleues ont validé leur billet dimanche - n’est que dans deux ans. « Je ne connais pas trop, je vais voir si je veux encore voyager », a souri Amandine Leynaud, sacrée meilleure gardienne du tournoi, mais dont les oreilles bourdonnent de rumeurs de retraite.

« Ramène la coupe à la maison, allez Maman, allez », chantonne Milo, cinq ans dans les bras de sa mère, Camille Ayglon après la rencontre. Le même minot qui pleurait en réclamant l’attention de la joueuse quelques matchs plus tôt. La coupe – un plateau – est à la maison, solidement brandie par Siraba Dembélé. Comme prévu depuis le début par ces Sereines d’Europe. Et Bercy pouvait entonner sa troisième Marseillaise de la soirée. C’est beau un stade qui chante.