A Paris et en régions : les images vidéo de l’« acte V » de la mobilisation des « gilets jaunes »
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C’est un des paradoxes de ce mouvement atypique : si la fronde des « gilets jaunes » puise sa force dans le monde rural et périurbain, c’est sans doute le recul spectaculaire de la mobilisation à Paris pour l’acte V, samedi 15 décembre, qui lui porte le coup le plus rude. Si le ministère de l’intérieur a compté 66 000 manifestants en France, moitié moins que le 8 décembre, la baisse était plus forte encore dans la capitale : quelque 3 000 manifestants contre 8 000 la semaine passée.

Or, depuis leur acte I, le 17 novembre, les « gilets jaunes » avaient fait des manifestations à Paris un symbole. D’abord parce qu’ils avaient annoncé leur cible, dès le départ : « L’objectif, c’est l’Elysée. » Ils voulaient « aller chercher » Emmanuel Macron disaient-ils, en réponse à cette phrase prononcée par le chef de l’Etat en pleine affaire Benalla : « S’ils cherchent le responsable, qu’ils viennent me chercher. »

Ensuite, parce que les « gilets jaunes » ont vite compris que pour exister, il leur fallait s’imposer médiatiquement. Plutôt que de rester dispersés sur tous les ronds-points de France, ils ont été nombreux à venir à Paris pour l’acte II, le 24 novembre, pensant qu’une démonstration de force dans la capitale serait plus efficace pour obtenir gain de cause. Ce jour-là, une marée jaune fluorescent avait envahi les Champs-Elysées.

Chaque samedi, ceux qui traversaient la France depuis le Tarn, la Savoie ou le Finistère pour arpenter la célèbre avenue y répétaient les mêmes phrases : « C’est à Paris que tout se passe », « il ne faut pas lâcher à Paris », « s’il ne se passe rien à Paris, on est foutus. » De l’aveu même des « gilets jaunes », un recul à Paris valait recul du mouvement dans son ensemble.

Samedi matin, en haut des Champs-Elysées, le contraste avec les semaines passées était spectaculaire : quelques centaines de personnes tout au plus. Ces dernières se refusaient de se rendre à l’évidence, en reprochant aux forces de l’ordre – avec des interpellations préventives ou des barrages – d’avoir freiné les manifestants. Le nombre d’interpellations a pourtant chuté drastiquement : 179 pour la journée de samedi à Paris, contre 1 082 le 8 décembre.

« Il y a eu l’attentat, les violences, certains ont pris peur »

A Bordeaux, le 15 décembre. / UGO AMEZ POUR LE MONDE

Des échauffourées, avec gaz lacrymogène et jets de projectiles, suivis de mises en garde à vue ont eu lieu à Bordeaux, Saint-Etienne, Toulouse, Nantes, Besançon, Nancy ou Lyon. Et plusieurs zones de péages dans le sud, de Perpignan à Orange, ont de nouveau été touchées par des incendies et dégradations. Mais on déplore globalement beaucoup moins d’incidents et de blessés, partout en France.

Venu de Douai (Nord) manifester à Paris, Jean-Luc, technicien de 29 ans, se doutait bien qu’il y aurait moins de monde : « Certains sont satisfaits des annonces de Macron, il y a eu l’attentat de Strasbourg, les violences, certains ont pris peur… Et puis, ça fait cinq semaines qu’on est sur les ronds-points, les gens sont fatigués. »

Cette occupation des ronds-points est le cœur battant du mouvement. C’est là qu’on réinvente le monde autour d’un feu de bois et qu’on fait vivre la lutte localement. Du maintien de ces places fortes dépend désormais la poursuite de la mobilisation. Les responsables de la majorité l’ont bien compris, à l’instar du président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, qui n’a pas exclu, dimanche sur France 3, l’envoi de « CRS ou de gendarmes à la campagne » pour « libérer l’espace public ».

Depuis le 17 novembre, ceux qui mènent des opérations de blocage ont déjà été régulièrement délogés. Affectés dans leur activité économique, des commerçants et des exploitants d’autoroutes ont saisi la voie judiciaire et obtenu gain de cause : dans l’Eure, cinq ordonnances ont ainsi été rendues, obligeant des « gilets jaunes » à quitter les lieux, sous astreinte financière.

Mais ces derniers jours, des « gilets jaunes » pacifiques et ne menant aucune action de blocage sont, eux aussi, sous pression. Dans l’Yonne, certains ont été sommés par le préfet de réduire la taille de leur campement à un simple abri contre la pluie. « C’était un petit village qui commençait à se construire », déplore le préfet de l’Yonne, Patrice Latron auprès du Monde. Moins confortable, l’occupation en ce mois de décembre pourrait s’avérer plus difficile.

Dimanche soir, à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), les « gilets jaunes » qui avaient installé buvette et canapé sur l’échangeur du Magny étaient en émoi. « On s’attend à être évacué mardi ou mercredi, tempêtait ainsi l’un d’eux, Pierre-Gaël Laveder. Ils veulent étouffer le mouvement ! » Lui craignait que ces représailles rendent la mobilisation plus violente samedi prochain. C’est un risque. Car même moins nombreux, les « gilets jaunes » n’ont pas tout à fait rendu les armes. A Montceau-les-Mines, comme ailleurs en France, certains veulent croire à un acte VI, le 22 décembre, y compris à Paris.

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