Chronique. « On se croirait dans le rugby », m’a soufflé, lundi 17 décembre au soir, un collègue rompu aux combines de l’ovalie. On venait d’apprendre que la Ligue de football professionnel (LFP) accédait à la requête du Paris-Saint-Germain de ne pas disputer le 15 janvier 2019 un match de Ligue 1 contre Montpellier. La rencontre était initialement prévue le 8 décembre mais avait été repoussée, comme toutes les autres de cette 17e journée, pour cause de manifestation des « gilets jaunes ».

Les autres clubs n’y trouvèrent rien à redire. Le PSG, si : il avait, cette semaine-là, calé une tournée commerciale au Qatar. Il était surprenant que le futur champion de France n’ait pas, comme il en a l’habitude, placé ce séjour promotionnel, la première semaine de janvier. Ce fut d’ailleurs un temps envisagé. Mais c’était un choix du club et cela ne regardait personne tant qu’il n’empiétait pas sur le calendrier des compétitions.

La logique sportive aurait voulu que le PSG reporte ou avance un séjour où aucun match amical n’était programmé, rien d’autre que des opérations de sponsoring dans un pays où Paris est chez lui. Mais le club a tout de même sollicité la LFP. Personne n’ira le lui reprocher. Il en va des dérogations comme du Loto de la Française des jeux : 100 % des gagnants ont tenté leur chance.

Sans doute avait-on un peu trop foi dans le football français pour croire que la demande du PSG n’avait aucune chance d’aboutir. Que l’intérêt général de la Ligue 1 serait placé au-dessus de l’intérêt particulier d’un club, fût-il le plus important du moment.

La direction de la LFP était opposée

Le bureau de la Ligue a considéré l’inverse et s’est adapté au calendrier des sponsors du Paris-Saint-Germain. La direction de la LFP, relate L’Equipe, y était opposée. Tout comme le producteur de télévision Michel Denisot, représentant de la Fédération française de football (et président historique du PSG époque Canal+) et Claude Michy, président de Clermont en Ligue 2. Ceux qui ont sauvé le PSG ? Ses rivaux de Ligue 1 : Nice, Monaco, Saint-Etienne, Angers et… Montpellier, concerné au premier chef par le report.

Dans le quotidien sportif, l’entraîneur montpelliérain, Michel Der Zakarian, se dit opposé à cette décision : « C’est comme dans tous les grands championnats, les grands clubs sont un peu avantagés. » En a-t-il parlé à son président Laurent Nicollin, dont la voix fut décisive ?

La nouvelle date de la rencontre peut tout aussi bien arranger les Montpelliérains, qui affronteront le PSG entre le match aller et le match retour de son huitième de finale de Ligue des champions. Et sera donc tenté de mettre ses titulaires au repos, ce qui ne serait pas sans conséquence sportive alors que le MHSC est en lice pour les places européennes.

La prise de pouvoir des clubs

Cette décision de la LFP n’est en rien anodine, et pas seulement parce qu’elle concerne un club dont le président, à travers sa chaîne BeIN Sports, est le deuxième bailleur de fonds du football français. Elle est surtout une nouvelle manifestation de la prise de pouvoir des clubs sur les instances sportives, manifestée dans l’enquête des « Football Leaks » à travers de multiples exemples.

Qu’il s’agisse de la refonte de la Ligue des champions sous pression d’un cartel de grands clubs européens, des traitements favorables dont a bénéficié le Real Madrid lors d’entorses aux règles antidopage ou des indulgences vis-à-vis de Manchester City et du Paris-Saint-Germain quant à leur transgression du fair-play financier. C’est d’ailleurs pour donner l’apparence d’un respect du fair-play financier que le PSG doit absolument faire ce séjour au Qatar, afin de justifier les sommes démesurées versées par des groupes locaux, en particulier l’Office du tourisme du Qatar.

La façon dont cette dérogation a été acceptée rappelle aussi la faculté qu’ont les clubs à se serrer les coudes. En 2014, l’AS Monaco avait vu son statut fiscal dérogatoire confirmé avec l’aval de la majorité des clubs de Ligue 1 – contre une transaction de 50 millions d’euros sur deux ans, une paille. L’enquête de Mediapart avec les « Football Leaks » a montré qu’un intense travail de lobbying avait précédé ce deal, Monaco promettant de se montrer généreux sur le marché des transferts vis-à-vis de clubs en difficulté comme Nancy et Valenciennes, mais aussi de l’Olympique lyonnais.

Quelles sortes de promesses ont précédé ce choix unanime des clubs, faisant passer l’intérêt du Paris-Saint-Germain devant la régularité de la compétition ? « S’il devait être sanctionné par le fair-play financier et ne pas disputer la Ligue des champions, c’est tout le football français qui serait pénalisé », confie un président de club à L’Equipe. Terrible aveu de faiblesse d’un football qui, pourtant champion du monde en juillet, se voit à la merci d’une négociation de couloirs entre les dirigeants parisiens et l’UEFA, et plus tard des humeurs de la famille régnante qatarie.