Le château des ducs de Bretagne, à Nantes. / JEAN-SÉBASTIEN ÉVRARD / AFP

Avis de tempête pour les militants de la réunification de la Bretagne. Lundi 17 décembre, les élus du conseil départemental de Loire-Atlantique ont rejeté l’idée d’un rattachement à la Bretagne. Un vote sans appel et transpartisan : 13 voix pour, 30 contre, 15 abstentions, 4 élus notés absents.

Le débat a été engagé à la suite d’une pétition orchestrée par l’association Bretagne réunie, qui a mobilisé 105 000 citoyens, afin d’obtenir la mise en place rapide d’une consultation sur le sujet, à l’échelle de la Loire-Atlantique.

Ironie de l’actualité, les partisans d’un tel scrutin, comme ses opposants, invoquent les arguments des « gilets jaunes » et leurs aspirations à davantage de démocratie participative, pour justifier leurs positions. « Tout était ficelé d’avance, nous sommes très déçus mais pas surpris, fustige Henri Colliot, vice-président de Bretagne réunie. Les élus ont retourné le débat en leur faveur, mais ils font fi de 105 000 électeurs, qui vont se sentir floués. »

Philippe Grosvalet (PS), président du département de Loire-Atlantique, déclare avoir accepté d’inscrire le dossier au menu des débats, en raison du nombre important de pétitionnaires. « C’est la démocratie qui m’y oblige », confie-t-il. Mais le vote, a-t-il d’emblée prévenu, ne changera rien.

Loi NOTRe, « faux nez de la démocratie »

Ouvrant la possibilité à un département de changer de région, la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), adoptée sous le quinquennat Hollande, est « un faux nez de la démocratie, avance l’élu PS, puisqu’elle implique que trois cinquièmes des élus de chaque collectivité concernée (soit le département de Loire-Atlantique, la région Bretagne et celle des Pays de la Loire) adopte la même position. Or, on sait très bien que les Pays de la Loire ne voudront jamais s’amputer de la Loire-Atlantique, de Nantes, du grand port maritime. »

La Loire-Atlantique a « suffisamment goûté aux consultations virant à la mascarade », M. Grosvalet (PS)

Pas question de céder à la pression de militants bretons et d’orchestrer une consultation « qui coûtera 300 000 euros et qui ne débouchera sur rien, puisque n’ayant que la valeur d’un sondage », énonce encore M. Grosvalet, rappelant au passage que la Loire-Atlantique a « suffisamment goûté aux consultations virant à la mascarade avec le scrutin orchestré autour de l’ex-projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ». Avant même le vote de son assemblée, Philippe Grosvalet a écrit au président de la République, Emmanuel Macron, pour demander la tenue « d’un référendum décisionnel posant la question de l’opportunité, ou pas, d’une nouvelle organisation territoriale dans le Grand Ouest ». Sentence-choc à l’appui de sa démonstration : « Moi, quand je demande aux gens de voter, c’est pour décider. »

Gatien Meunier (LR), chef de file de l’opposition, est sur la même longueur d’onde : « Je mesure pleinement le risque que ferait peser le départ de la Loire-Atlantique des Pays de la Loire, on risquerait d’affaiblir un territoire, avec son lot de casse sociale », égrène l’élu, préconisant, à l’instar de M. Grosvalet, une fusion des régions Bretagne et Pays de la Loire.

La question de la fusion des deux régions

« Si Nantes est à l’évidence bretonne, elle est aussi ligérienne et vendéenne, abonde Pascal Bolo, élu départemental et premier adjoint PS de Nantes. Aucun des territoires qui la borne ne peut l’annexer ou se l’approprier tout entière. » La conclusion qui suit est identique : pour M. Bolo, la fusion des deux régions est « la voie de l’avenir et de l’évidence ».

La demande de référendum s’inscrit « dans la droite ligne des déclarations du premier ministre », Ronan Dantec (EELV)

Favorable au rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, le sénateur écologiste Ronan Dantec, qui a assisté au débat du conseil départemental, s’est dit « très heureux du vote ». Il estime que la demande de référendum s’inscrit « dans la droite ligne des déclarations du premier ministre » face à la soif de démocratie directe des « gilets jaunes » : « Si Edouard Philippe dit non à une demande aussi massivement exprimée, par 105 000 citoyens de Loire-Atlantique, par le conseil départemental de Loire-Atlantique à la quasi-unanimité, ce serait totalement incompréhensible. »

Subsiste une difficulté : l’énoncé de la question qui pourrait être posée aux électeurs. « Normalement, lors d’un référendum, on répond par un oui ou par un non à une question simple, relève l’élu. Peut-être faudra-t-il d’abord soumettre au vote le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne. Puis, dans un second temps, la fusion des régions Pays de la Loire et Bretagne ou celle des départements désirant rejoindre la nouvelle entité. »

Pas sûr que ce scénario fasse consensus. A coup sûr, le choix du périmètre du scrutin, s’il devait avoir lieu, promet également d’être source de tensions. Difficile dans ces conditions de croire que le chef de l’Etat ou son premier ministre en fassent un dossier prioritaire.