Anne-Sophie Lapix présente « Le Grand Echiquier », jeudi 20 décembre, à 21 heures sur France 2. / STÉPHANE GRANGIER

France 2, jeudi 20 décembre à 21 heures, magazine

« Personne ne devrait accepter de reprendre “Le Grand Echiquier” ! », s’exclame Anne-Sophie Lapix, actuelle présentatrice du JT de France 2, juste trois jours avant… de présenter, jeudi 20 décembre, sa version 2018 de l’émission créée par Jacques Chancel pour l’ORTF. Derrière l’humour, on détecte une pointe de stress chez celle qui s’attaque à un monument de la culture télévisuelle, porté durant plus d’un quart de siècle (1972-1989) par une figure charismatique du petit écran. « Jacques Chancel avait une présence, une façon unique d’interviewer des artistes… Je ne saurai pas la restituer. Je n’essaierai pas. »

Anne-Sophie Lapix a pourtant décidé de relever le défi. Elle n’a pas eu à se battre pour ça, même si Stéphane Bern a bien été pressenti un temps, en août. « Je suis arrivée sur le projet tout à fait à la fin, quand tout était réglé. Je n’avais plus qu’à dire oui ou non. » Elle a dit oui à Pierre-Antoine Capton, patron de Troisième œil Productions, producteur de l’émission, pour quatre « Grand Echiquier » trimestriels. Et ce malgré le surcroît de travail et ses deux enfants (13 et 16 ans). Seule ­concession, elle passe de quatre JT hebdomadaires à deux, uniquement les semaines où elle présente « Le Grand Echiquier ».

Journaliste à l’ascension qualifiée de fulgurante, passée par Bloomberg TV, LCI, « Zone interdite » sur M6, pour devenir « joker » de Claire Chazal au JT de TF1, présentatrice de « C à vous » et, depuis 2017, du JT de France 2 en remplacement de David Pujadas, Anne-Sophie Lapix relève donc le gant, et se creuse les méninges.

Anne-Sophie Lapix a « 8 ou 9 ans » lorsqu'elle voit son premier « Grand Echiquier » à la télé. / COLLECTION ANNE-SOPHIE LAPIX

Née la même année que l’émission de Jacques Chancel – 1972 –, elle se souvient à peine de son premier « Grand Echiquier ». « J’étais à Saint-Jean-de-Luz [sa ville natale dans les Pyrénées-Atlantiques], donc je devais avoir 8 ou 9 ans. » Comme dans tout foyer d’alors, la télévision trônait dans le salon. « Le “Grand Echiquier” était le rendez-vous familial », au sein d’un foyer de musiciens amateurs. Même si « regarder, écouter du lyrique, Rostropovitch, séduisait surtout mes parents ! »

Faute de pouvoir s’appuyer sur sa mémoire, en bonne élève, Anne-Sophie Lapix s’est attelée au visionnage des « Grand Echiquier », du moins « ceux où il se passe quelque chose »

Faute de pouvoir s’appuyer sur sa mémoire, en bonne élève (Sciences Po, Centre de formation des journalistes), Anne-Sophie Lapix s’est attelée au visionnage des « Grand Echiquier », du moins « ceux où il se passe quelque chose ». La première frappait fort, avec une visite surprise à Louis de Funès jouant Oscar, des reportages et direct depuis New York, Los Angeles, Barcelone, et le voyage en live de Georges Brassens, du Bourget (Seine-Saint-Denis) à un village des Pyrénées-Atlantiques où il chantait.

Une décennie plus tard, le 20 octobre 1985, Jacques Chancel présentait « un jeune philosophe qui déjà fait preuve d’une grande maturité », nommé Bernard-Henri Lévy. A son côté, une France Gall timide triture une pomme avant de chanter, parce que « C’est ce que je fais le mieux. » Sans oublier le fameux direct – toujours – de la place Rouge à Moscou, avant la chute du Mur.

Le Grand Echiquier avec Bernard Henri Lévy et France Gall | Archive INA
Durée : 07:26

Ces heures d’archives ont convaincu la journaliste de faire, mais pas comme avant : « Dans des ­conditions différentes, avec des temps différents. Aujourd’hui, nous n’avons pas le même temps pour laisser parler les gens. » Ni le même rapport à l’image. Dans les années 1980, les téléspectateurs étaient en demande ; aujourd’hui ils sont saturés. Pour capter leur attention, il faut donc « être attractif, entrer dans l’univers des artistes. Les invités vont ainsi convier des personnalités qui les ont marqués ».

« Un équilibre entre les arts »

Quatre ans après la disparition de Jacques Chancel, le 23 décembre 2014, à l’âge de 86 ans, ce premier numéro de jeudi 20 décembre sera diffusé en direct depuis le Palais des beaux-arts de Lille. « Nous changerons d’endroit à chaque fois. Pour aller à la rencontre des Français en province, pour démocratiser la culture auprès des télé­spectateurs des régions. Je suis une provinciale », rappelle Anne-Sophie Lapix. L’émission est prévue pour durer deux heures trente « au minimum. Vu la difficulté de mettre tout ça en scène… » La présentatrice sera entourée d’une quinzaine d’artistes, dont l’acteur Daniel Auteuil, l’ex-danseuse étoile et directrice du Ballet de l’Opéra de Paris Aurélie Dupont, et le ténor Roberto Alagna.

« Le casting a été établi par la rédaction en chef et les productrices. Je n’ai pas les commandes intégrales. Il a été choisi avec la volonté d’un équilibre entre les arts, la musique, la danse, le théâtre… » Tous styles fondus et confondus. Ainsi le duo de rap sage Bigflo et Oli se produira, « magnifié par l’orchestre symphonique de Lille. » La chanteuse Jain sera, elle, « accompagnée par les danseurs de Yoann Bourgeois », artiste protéiforme formé aux arts du cirque.

Première satisfaction pour Anne-Sophie Lapix, ses enfants viendront – surtout pour Bigflo et Oli. Au-delà, elle aimerait « ne pas pouvoir poser toutes [ses] questions. Que les artistes s’interrogent les uns les autres, sans moi, dans un échange réciproque ». Celle qui a toujours refusé d’être la reine du JT va-t-elle devenir la reine du « Grand Echiquier » ? « On va faire comme on peut. Parfois, dans la vie, il faut savoir se jeter dans le vide. » Une maxime que n’aurait pas reniée Jacques Chancel.

Anne-Sophie Lapix façon "Dix pour cent" pour relancer "Le Grand Échiquier"
Durée : 01:11

« Le Grand Echiquier », réalisé en direct de Lille par François Goetghebeur (France, 2018, 175 min). France.tv