Le président russe Vladimir Poutine, lors de sa conférence de presse annuelle à Moscou, le 20 décembre. / MAXIM SHEMETOV / REUTERS

L’écart devient de plus en plus saisissant. Répondant aux questions de journalistes russes et étrangers lors de sa conférence de presse annuelle qui a duré près de quatre heures, à Moscou, jeudi 20 décembre, Vladimir Poutine n’a eu de cesse d’épargner son homologue américain tout en égratignant par ailleurs les Etats-Unis dans leur ensemble. « Donald Trump a gagné [l’élection présidentielle de 2016], mais certains ne veulent pas reconnaître cette victoire, c’est un manque de respect envers les électeurs américains. Ils font tout pour délégitimer le président en exercice », a affirmé le chef du Kremlin. « C’est un processus qui est grave. »

« Nous voyons ce qui se passe en ce moment, avec le changement du pouvoir au Congrès, et presque à 100 % nous pouvons prédire de nouvelles attaques contre le président actuel, a poursuivi M. Poutine. Sera-t-il capable d’établir un dialogue direct avec la Russie dans ces conditions ? Je ne le sais pas ». En tout état de cause, le Kremlin le répète à l’envi : lorsque les circonstances s’y prêteront, le président russe rencontrera « dès que possible » son homologue. « Nous sommes prêts », a-t-il de nouveau souligné.

Depuis le premier, et unique, sommet bilatéral controversé d’Helsinki, en juillet, deux autres tentatives ont déjà échoué, à Paris, le 11 novembre, lors des cérémonies pour le centenaire de l’armistice de la première guerre mondiale, puis fin novembre, au sommet du G20 à Buenos Aires, où les deux hommes ont dû se contenter d’échanger quelques mots, debout, en lieu et place du tête-à-tête espéré à Moscou. Les affrontements survenus alors entre les forces de sécurité russes et la marine ukrainienne en mer d’Azov avaient eu raison du projet. Avec les Etats-Unis, « nous avons atteint le fond de nos relations », s’est plaint M. Poutine.

« D’accord avec le président américain »

La différence ainsi opérée entre Washington d’un côté et le locataire de la Maison blanche de l’autre, se lit aussi dans la décision prise la veille par M. Trump de retirer les troupes américaines de Syrie, motivée, selon ce dernier, par la « victoire » contre l’organisation Etat islamique. « Je suis d’accord avec le président américain, s’est félicité M. Poutine. « Nous avons pu atteindre un tournant dans la lutte contre le terrorisme sur ce territoire et avons porté de graves coups à l’Etat islamique en Syrie ». A ce détail près : « Les Etats-Unis sont depuis presque dix-sept ans en Afghanistan et presque chaque année, ils disent qu’ils vont retirer leurs troupes. »

Le président russe a également critiqué la menace américaine de se retirer du traité bilatéral des forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), signé en 1987 entre Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev : « Nous assistons de fait à l’effondrement de l’ordre international du contrôle des armes et au début d’une course à l’armement », a-il souligné, sans jamais citer M. Trump pourtant à l’origine de cette annonce, en octobre.

Différence de traitement

Par ailleurs, à peine vingt-quatre heures avant la prestation du chef du Kremlin, et tandis que l’enquête du procureur Robert Mueller sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine de 2016 progresse, Washington a étendu ses sanctions. Quinze agents du GRU, le renseignement militaire russe, ont ainsi fait leur entrée sur la « liste noire » du Trésor américain.

Parmi eux figurent les deux principaux suspects dans l’affaire Skripal – du nom d’un ancien agent double victime en Grande-Bretagne, avec sa fille, d’une tentative d’empoisonnement au Novitchok. Et pour la première fois, confirmant ainsi les enquêtes parues dans la presse russe, les deux hommes figurent non plus seulement sous leurs pseudos, « Bachirov » et « Petrov », mais sous l’identité d’Anatoli Tchepiga et Alexandre Michkine.

M. Poutine a alors établi une différence de traitement entre le cas du journaliste saoudien Jamal Khashoggi assassiné et Sergueï Skripal, « rétabli » de son empoisonnement. Seule, a-t-il insisté, la Russie est visée par les sanctions, et non l’Arabie saoudite, partenaire des Etats-Unis, malgré les soupçons qui pèsent sur le prince héritier Mohammed Ben Salman.