Le président français Emmanuel Macron aux côtés des soldats français de l’opération Barkhane, le 22 décembre à N’Djamena au Tchad. / LUDOVIC MARIN / AFP

Sur les tables, des clémentines corses. Dans les assiettes, le “Croûte Elysée”, spécialité du chef des cuisines du palais présidentiel, un marbré de veau et de foie gras. Samedi 22 décembre, Emmanuel Macron est venu à N’Djamena fêter Noël au milieu de neuf cents soldats des troupes françaises déployées au sein de l’opération Barkhane, chargée depuis l’été 2014 de combattre les groupes terroristes armés au Sahel. Guillaume Gomez a servi le même menu que pour le réveillon présidentiel avec les troupes de Niamey, l’an dernier. Autour des tables dressées dans la nuit, sous les douces risées de l’harmattan, on aurait pu se croire une année en arrière, au temps de l’état de grâce.

Car au moment même où Emmanuel Macron arrivait à la base militaire française de Kosseï, des gilets jaunes tentaient à Paris un “tour de quartier” aux alentours de l’Elysée. Eric Drouet, l’une des figures “historiques” du mouvement, était arrêté et placé en garde à vue. Sur les chaînes d’info en continu tournaient des images de policiers frôlant le lynchage sur les Champs, et La Voix du Nord rapportait que quatre-vingts « gilets » avaient fait le siège de la maison des Macron, au Touquet, dans le Pas-de-Calais.

« Je ne commente pas l’actualité à distance »

De tout ça, il n’a pas été question une seule fois dans le discours d’Emmanuel Macron devant les soldats en “opex”, en opération spéciale au Tchad. « Alors que notre hexagone et nos outre-mer prennent un temps de repos, je pense à vous, à vos familles », a dit le chef de l’Etat, remerciant les soldats de « protéger la nation contre le règne de l’arbitraire et de la terreur ». « Partout dans le Sahel nos ennemis sont là et cherchent à faire progresser l’obscurantisme. C’est ce même terrorisme qui a frappé dans notre pays, à Strasbourg. Je compte sur vous et les Français comptent sur vous. »

« Je ne commente jamais l’actualité à distance », a précisé un peu plus tard Emmanuel Macron à la presse, prolongeant en revanche son repas de Noël en acceptant mille selfies avec les soldats, soufflant des bougies avec d’autres, passant de table en table. Il était arrivé quelques heures plus tôt avec Michel Drucker, l’animateur vedette de France 2 recommandé par sa femme Brigitte, qui s’est entretenue avec lui durant une heure et demie il y a peu. Le président l’a appelé quelques jours plus tôt et a enregistré pour lui sur la base un message aux armées françaises qui sera diffusé le 25 décembre sur France 2.

Dans la délégation présidentielle se trouvait la ministre des armées Florence Parly et Marlène Schiappa. La seule à risquer un mot sur l’actualité. « Les menaces au Sahel font relativiser ce qui se passe ailleurs. Les vrais risques, c’est ici que les hommes les prennent », nous confie la secrétaire d’Etat. Vers minuit, le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, a entonné Opium, un chant colonial des troupes françaises en Indochine. Avant le dîner, l’assemblée entière avait poussé la Marseillaise avec le président, une Marseillaise syncopée façon marche militaire – version assez différente de celles chantées depuis un mois par des manifestants à dossards fluo.