Un journaliste de « 20 Minutes » a été témoin d’une agression verbale antisémite par des « gilets jaunes » dans le métro parisien, samedi 22 décembre au soir. / CHARLES PLATIAU / REUTERS

La scène s’est produite samedi 22 décembre vers 23 heures, dans la ligne 4 du métro parisien. Un groupe de trois « gilets jaunes », « un peu éméchés », crie « Macron démission », raconte sur Twitter Thibaut Chevillard, journaliste à 20 Minutes et témoin des événements. Aux hurlements ne tarde pas à se joindre le geste : des « quenelles », un mouvement qui consiste à tendre un bras vers le bas tout en plaçant la main opposée sur l’épaule du bras tendu, signe de ralliement des antisémites popularisé par l’ex-humouriste Dieudonné M’Bala M’Bala. Une vieille dame se lève et leur demande de cesser de faire ce geste antisémite, en vain. Une enquête a été ouverte par la préfecture de police de Paris.

Quenelles et hurlements

La septuagénaire qui s’est levée, a, selon ses dires et ceux du journaliste, tenté de faire comprendre aux trois « gilets jaunes » d’une quarantaine d’années la portée de leur comportement :

« C’est un geste antisémite, je suis juive, mon père a été déporté à Auschwitz où il est mort. Je vous demande d’arrêter. »

Une prise de parole qui n’aurait pas ému les trois « gilets jaunes », l’un deux lui répondant d’un ton moqueur, toujours selon ces deux témoins :

« Moi aussi, j’ai été à Auschwitz ! »

Un autre s’est alors mis à hurler à plusieurs reprises : « Dégage la vieille ! ». Arrivée à la station Saint-Sulpice, elle est descendue dans le calme. Selon le journaliste de 20 minutes, les trois hommes avaient l’air « très fiers de leur coup ». Et d’ajouter :

« [L’un d’entre eux] est sorti du métro du côté de Saint-Germain-des-Prés. Pour se dire au revoir, ils ont fait des quenelles. Les deux autres se sont remis à chanter “Macron démission”, et ils sont descendus à Montparnasse ».

Une enquête ouverte

Une enquête, confiée à la police régionale des transports, a été ouverte pour retrouver les auteurs de ces propos antisémites, a annoncé la préfecture de police de Paris dimanche midi sur Twitter. La veille dans la nuit, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner avait demandé sur le même réseau social que « tout [soit] mis en œuvre pour identifier ces individus. Ils doivent répondre de leurs actes abjects. »

Samedi matin déjà, sur le parvis du Sacré-Cœur, des manifestants portant des gilets jaunes avaient été filmés en train de faire des quenelles et d’entonner une chanson du polémiste antisémite Dieudonné. Une situation qui a fait réagir le premier ministre Edouard Philippe dimanche matin sur Twitter, affirmant qu’« il est hors de question de banaliser de tels gestes qui doivent faire l’objet d’une condamnation unanime et de sanctions pénales ».

« Propos d’ivrogne »

Retrouvée par 20 minutes, la dame de « 74 ans et demi » a estimé pour sa part qu’il s’agissait de « propos d’ivrognes » et affirme ne pas s’être sentie en danger, malgré l’absence de réaction des autres passagers. « Ils ont probablement estimé que ce n’était pas la peine de leur répondre », avance-t-elle, avant de poursuivre :

« Et puis pour des trucs plus graves que ça, ils ne bougent pas, donc… »

Elle affirme enfin avoir entendu l’un des individus parler de la « Révolution nationale », l’un des piliers de l’idéologie du régime de Vichy, qui prônait le retour à une société traditionnelle et patriarcale où, loin des désordres du Front populaire et de la Troisième République. « Sans doute des sympathisants du Front National » précise-t-elle. La vieille dame ne portera pas plainte, dit-elle à 20 minutes : « Je suis au-dessus de tout ça ! ».