Augusto Mendoza, un migrant guatemaltèque et son fils Dillon à El Paso, Etats-Unis, le 26 décembre 2018. / PAUL RATJE / AFP

Felipe Gomez avait 8 ans. Il est mort la nuit de Noël après son arrivée dans un centre de rétention américain pour migrants, à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Son sort a suscité de nouvelles réactions indignées sur les conditions de vie des enfants interpellés avec leurs parents en tentant de se rendre illégalement en territoire américain depuis la mise en place de la politique migratoire inflexible voulue par le président des Etats-Unis, Donald Trump.

Deux semaines plus tôt, une petite fille de 7 ans, détenue par les autorités américaines, avait déjà perdu la vie à El Paso, au Texas. Ces deux décès ont précipité l’annonce, mercredi 26 décembre, de « mesures extraordinaires » par Washington.

Près de 14 000 mineurs non accompagnés

Examens médicaux « approfondis » de tous les enfants détenus, renforcement du personnel médical… les dispositions sont censées répondre à l’inadaptation des structures existantes face l’afflux massif de migrants venus d’Amérique centrale. « Le phénomène auquel nous assistons aujourd’hui est relativement nouveau avec une population de migrants composée à 60 % d’enfants et de familles », ont indiqué des responsables du ministère de la sécurité intérieure.

Selon la ministre Kirstjen Nielsen, qui doit se rendre prochainement dans le sud du pays où se trouvent les centres de rétention, au cours des deux derniers mois :

  • 140 000 personnes ont été interpellées à la frontière sud, contre 75 000 sur la même période en 2017.
  • En octobre et novembre, 68 500 familles ont été arrêtées, de même que 14 000 mineurs non accompagnés.

« Nous avons besoin de l’aide du Congrès. Nous avons besoin de financement pour les soins médicaux et de santé mentale pour les enfants dans nos structures », a déclaré mercredi Kevin McAleenan, patron du service de surveillance des frontières, sur la chaîne CBS. Le nombre d’enfants migrants pris en charge par ses services pourrait prochainement dépasser la barre des 25 000, a-t-il ajouté. Mme Nielsen a relevé qu’avant décembre il n’y avait pas eu de décès d’enfant dans un centre du service de surveillance des frontières depuis plus d’une décennie.

« Mépris de la vie humaine »

Interpellé avec son père, le 18 décembre, près d’El Paso, Felipe Gomez avait été transféré dans trois centres de rétention différents en quelques jours. Le service de surveillance des frontières a précisé dans un communiqué que l’enfant était pris de toux au matin du 24 décembre. Emmené dans un hôpital au Nouveau-Mexique, il est examiné par une équipe médicale qui diagnostique un « simple rhume » avant de constater une poussée de fièvre. L’enfant sort finalement peu avant 15 heures, avec une prescription médicamenteuse. Saisi de nausées et de vomissements dans la soirée, il est de nouveau conduit à l’hôpital, où il meurt peu avant minuit. Les causes exactes n’ont pas été établies à ce stade, mais les autorités ont promis un « examen indépendant et approfondi des circonstances » de la mort de l’enfant.

Ce nouveau drame intervient au moment où les démocrates et le président républicain croisent le fer sur la construction d’un mur à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Son financement, que les démocrates du Congrès refusent d’approuver, a provoqué un blocage budgétaire. Depuis samedi, une partie des administrations fédérales ont suspendu certaines de leurs missions et 800 000 fonctionnaires sont affectés. Après l’annonce du décès du garçon, plusieurs élus démocrates ont dénoncé la politique migratoire de l’hôte de la Maison Blanche.

« L’administration Trump doit rendre des comptes pour la mort de cet enfant et pour toutes les vies qu’elle a mises en danger avec son chaos volontaire et son mépris de la vie humaine », a estimé Martin Heinrich, sénateur démocrate du Nouveau-Mexique. « Nous avons tous la responsabilité morale d’assurer que les enfants de Dieu sont traités avec compassion et décence », a affirmé Nancy Pelosi, la cheffe des démocrates à la Chambre des représentants, qualifiant la mort des deux enfants de « scandaleuse ». Elle a ajouté que le Congrès allait enquêter sur « cette tragédie ».

Infographie Le Monde