Editorial du « Monde ». C’est peu de dire qu’Emmanuel Macron a suscité des attentes en matière de politique internationale. Non seulement sa jeunesse et son talent ont intrigué, voire enthousiasmé, partenaires comme adversaires de la France, mais le président français a affiché des valeurs et une volonté de réforme, dans un monde de plus en plus crispé et chaotique. En quelques discours – à l’ONU à New York et devant le Congrès américain à Washington sur le multilatéralisme, à Athènes et à la Sorbonne sur l’Europe –, il a posé les jalons d’une vision du monde et d’une ambition.

La promesse Macron est ainsi résumée : « Une vision humaniste de la mondialisation. » Face au repli et à l’unilatéralisme des Etats-Unis, à la puissance de la Chine et au retour de la Russie dans les affaires internationales, le président français veut une Europe qui, défendant « démocratie et valeurs progressistes », s’affirme en « leader du monde libre ». Il veut être aussi « la voix des oubliés ». Il ne promet rien de moins qu’une double refondation du multilatéralisme et de l’Europe.

Sachant que la France sera, une fois le Brexit effectif, le seul pays de l’Union européenne à être membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, sachant aussi que la France joue historiquement un rôle diplomatique sans commune mesure avec sa géographie, sa population ou son économie, M. Macron veut devenir, au moment où Angela Merkel arrive en fin de règne et où Londres va quitter le bateau européen, le capitaine de cette Europe « leader du monde libre ».

Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas vu une telle ambition, de surcroît portée par un homme dont les convictions européennes et progressistes semblent sincères, voire passionnées. Un homme qui, en outre, sait trouver les mots – contrairement à un François Hollande qui s’est révélé fiable dans la tempête, mais a rarement su expliquer ses décisions aux Français : quant à la qualité de ses discours, on peut presque risquer la comparaison avec ceux de Barack Obama, orfèvre en la matière.

Une crise de l’ambition

Un an et demi après son arrivée au pouvoir, le président Macron n’a toutefois guère dépassé le stade de la parole. Sur certains dossiers brûlants comme la Syrie, c’est même la confusion qui l’a emporté. Les diplomates français ont le blues, comme en témoigne notre enquête. Ils pointent à la fois une crise de l’ambition, et des moyens mis au service de cette ambition.

Il n’est pas question de dresser avant l’heure un bilan de la diplomatie Macron. Il faut attendre la fin du quinquennat, ou que ce président affronte une crise majeure, pour savoir de quel bois il est fait. Mais on peut s’interroger sur le fait que M. Macron porte ou non la promesse qu’il a définie. Le souffle du discours est-il suivi d’une audace dans l’action ? Pour le moment, on comprend que les priorités de la diplomatie française – sécurité et économie – restent inchangées et, sur tout ce qui touche justement à l’humanisme, que ce soient les droits humains, les migrations ou l’environnement, la voix du président ne se traduit pas dans les faits.

Il est difficile de révolutionner la politique étrangère, un domaine qui, en France, n’est pas dépourvu de serviteurs qualifiés, mais est en manque de théoriciens et d’idées neuves. De même que la gauche n’a pas su inventer depuis vingt ans ce qui aurait pu être une politique internationale « de gauche », libérée du cynisme de l’ère mitterrandienne, Emmanuel Macron saura-t-il inventer la politique étrangère « humaniste et progressiste » qu’il promet ?