Le Conseil d’Etat, plus haute juridiction administrative, a décidé de simplifier les règles de rédaction des décisions de ses tribunaux, qui règlent les litiges entre tout citoyen et l’Etat ou les collectivités. / BERTRAND GUAY / AFP

C’est une révolution dans les palais de la République : les juridictions administratives de France, dont le Conseil d’Etat, ont depuis le 1er janvier adopté un nouveau mode de rédaction de leurs décisions, abandonnant des formules centenaires comme le « considérant que », réputé pour introduire d’interminables paragraphes.

« Dans un souci de lisibilité, les termes qui n’appartiennent pas ou plus au langage usuel ne sont pas employés, sauf lorsque leur usage est indispensable à une expression plus exacte et élégante », a annoncé le Conseil d’Etat à l’ensemble des cours et tribunaux administratifs du pays.

« Repose en paix, cher Considérant. Adieu, phrase unique dans les jugements », a publié Eric Ladot, un avocat à la cour, sur son blog au moment de la décision du Conseil d’Etat. Permis de construire, changement de nom, crèche dans les mairies, burkini sur les plages, circulation sur les voies sur berge : la juridiction administrative tranche les litiges opposant une personne privée à l’Etat, une collectivité territoriale ou un établissement public.

Bannir les formules désuètes

L’ancien « Conseil du roi » a renoncé à des siècles de « considérant que », qui ponctuait les débuts de chaque paragraphe, au profit d’un unique « considérant ce qui suit » placé au début de la décision et offrant l’immense avantage de passer au style direct. Le Conseil d’Etat recommande, dans un copieux vade-mecum à destination des professionnels, de bannir une série de formules désuètes, inusitées ou latines et donc sibyllines pour le plus grand nombre. Les expressions « ester en justice » (prendre l’initiative d’un procès), « irrépétible » (se dit d’un frais non remboursable), « ultra petita » (lorsqu’un juge va au-delà des faits dont il est saisi) ou « susvisé » (dont il est fait référence plus tôt dans un document) devraient disparaître des textes rédigés par les tribunaux.

Selon les consignes du Conseil d’Etat, le rédacteur, qui écrit pour différents publics, doit « veiller à ce que sa décision soit, pour les parties qui en sont les premiers destinataires, lisible, convaincante et intelligible ». Il convient ainsi « d’éviter les anglicismes et de privilégier, aux termes étrangers ou latins, des équivalents dans la langue française », tout comme il faut éviter « les citations trop longues ».

« Dans un souci de lisibilité, un paragraphe ne doit pas excéder une demi-page et une phrase ne doit pas, en principe, dépasser quelques lignes », plaide la haute juridiction, qui dispense aussi des conseils de mise en page, proposant d’introduire chacun des moyens, des arguments « par un tiret » et d’utiliser des titres et sous-titres pour « identifier les différentes décisions attaquées dans la même requête ».