Devant la Maison Blanche à Washington D.C., les détritus s’amoncellent mercredi 2 janvier, faute de fonctionnaires pour les ramasser. / ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Le couperet est tombé à minuit, le 22 décembre. Depuis douze jours, les Etats-Unis tournent au ralenti, paralysés par un « shutdown », du nom de ce blocage budgétaire dû à une absence de consensus politique entre républicains et démocrates. En conséquence, les financements de certains ministères et administrations fédérales restent suspendus, mettant des centaines de milliers de fonctionnaires au chômage forcé.

Bien que relativement fréquente – c’est le dix-neuvième shutdown depuis les années 1970, le troisième sous le mandat de Donald Trump –, cette paralysie budgétaire commence à se faire sentir sur la vie quotidienne des Américains et des touristes qui visitent le pays. Tour d’horizon de quelques-unes de ses conséquences.

  • 800 000 employés fédéraux sans salaire

Le shutdown actuel affecte 25 % des administrations, parmi lesquelles le ministère de la sécurité intérieure, du commerce, ou des transports. En revanche, ceux de la justice, de l’agriculture ou encore la Poste et le programme distribuant des aides alimentaires ne sont pas touchés par cet épisode – les fonds alloués pour leur fonctionnement ayant déjà été validés.

Au total, quelque 800 000 fonctionnaires jugés « non essentiels » ont été mis en congé sans solde, principalement dans la région de Washington D.C. où se concentrent les grandes institutions fédérales. Si certains sont tenus de n’effectuer aucun travail pendant leur congé forcé – sous peine de lourdes sanctions –, d’autres doivent continuer à exercer leur profession sans salaire. C’est le cas notamment des employés des douanes et des protections des frontières, ou encore des agents des services secrets, notamment ceux chargés de la sécurité du président. Tous pourront toutefois être remboursés rétroactivement si le Congrès vote en ce sens après la fin du shutdown, comme ce fut le cas lors de nombreux épisodes précédents.

Mais pour l’heure, de nombreux fonctionnaires font entendre leur colère à l’idée de plonger dans le rouge en pleine période de Noël. Sur les réseaux sociaux, les témoignages de personnels en grande difficulté se multiplient sous le hashtag #shutdownstories, critiquant notamment la récurrence de ces épisodes. Un syndicat de fonctionnaires, qui représente quelque 400 000 employés, a d’ailleurs déposé lundi une plainte contre l’administration Trump, qu’il accuse de violer le code du travail en ne payant pas ses employés.

  • Musées, parcs nationaux et webcam de pandas géants perturbés

C’est l’un des aspects les plus visibles lors d’un shutdown, surtout pour les touristes. De nombreux parcs nationaux et musées à travers le pays ont été obligés de fermer leurs portes – ce qui pourrait se traduire par des conséquences économiques lourdes pour le secteur touristique, en pleine saison de Noël.

La Smithsonian Institution a ainsi annoncé que les dix-neuf musées qu’elle gère, ainsi que le zoo national de Washington, l’un des plus anciens des Etats-Unis, garderont porte close. Les fanatiques de la webcam permanente dans l’enclos des pandas géants Tian Tian, Mei Xiang et Bei Bei du zoo de D.C. auront d’ailleurs remarqué qu’elle aussi est à l’arrêt.

Surtout, la situation dans les musées peut être amenée à changer d’un jour sur l’autre, rendant difficile toute anticipation. La National Gallery of Art, à Washington D.C., était ainsi ouverte mercredi, mais signalait que la situation était « encore en réflexion » pour jeudi.

Aucun recensement précis des fermetures de parcs nationaux n’est tenu non plus, du fait de l’absence d’employés au National Park Service (NPS). Mais nombre d’entre eux sont perturbés. Le Joshua Tree National Park, en Californie, a ainsi fermé mercredi midi, notamment à cause de l’amas de détritus et de déjections humaines posant des problèmes sanitaires dans le parc. Des bénévoles de la région avaient pourtant afflué pour venir nettoyer la zone. Le Yosemite National Park a quant à lui fermé deux de ses célèbres sites de camping.

  • Impôts et statistiques à l’arrêt, mariages non homologués

L’agence fédérale qui récolte l’impôt sur le revenu – l’Internal Revenue Service (IRS) – est très perturbée, avec neuf employés sur dix contraints à rester chez eux. Si le shutdown venait à durer – le record remonte à 1995 avec vingt et un jours de blocage – la situation pourrait rapidement se compliquer. Des réductions de taxes décidées par Donald Trump doivent entrer dès janvier en application, laissant de nombreuses entreprises dans l’incertitude. Or, les centres d’appel destinés aux contribuables sont en effet fermés, et les audits suspendus.

Ce n’est pas la seule institution à l’arrêt. De nombreuses administrations doivent suspendre quasi complètement leur activité. C’est le cas du Bureau des analyses économiques du ministère du commerce, chargé d’établir les statistiques économiques du pays, d’ordinaire regardées de près par les marchés financiers. La Commission des communications fédérales, autorité de régulation de l’audiovisuel, voit aussi 80 % de ses employés mis sur la touche, quand le ministère du logement doit laisser s’arrêter 95 % de ses employés. La Federal Housing Administration, qui valide notamment les prêts pour l’achat de maisons, va ainsi devoir stopper complètement son activité, retardant les projets immobiliers de beaucoup d’Américains.

Même certains mariages célébrés fin décembre ne sont toujours pas officiels : c’est le cas notamment à Washington D.C., où le Bureau qui célèbre les unions a dû fermer, provoquant la colère de ceux souhaitant convoler en justes noces.

  • Les territoires indiens particulièrement touchés

Dans le cadre d’accords négociés voilà plusieurs décennies, les tribus amérindiennes reçoivent d’ordinaire d’importants fonds fédéraux pour financer des services aussi essentiels que leur secteur médical ou alimentaire. Or, le shutdown remet en cause le versement d’une partie de ces aides.

Le New York Times a ainsi raconté les conséquences économiques lourdes pour la tribu Chippewa, dans le Michigan, qui a déjà été contrainte de prélever 100 000 dollars (87 947 euros) pour garder ses cliniques ouvertes. Des tribus Navajo au Nouveau-Mexique, en Arizona ou dans l’Utah sont aussi touchées, faisant craindre une pénurie de médicaments.

  • La Station spatiale internationale épargnée

Selon le plan de shutdown de l’agence nationale de l’aéronautique et de l’espace, 96 % de ses effectifs sont concernés par le chômage forcé. Les quelques fonctionnaires épargnés sont ceux qui s’assurent du bien-être de la Station spatiale internationale (ISS) et de ses habitants, ainsi que ceux qui mènent actuellement une mission impliquant des satellites, robots ou atterrisseur.

Panneau signalant la fermeture des Archives nationales à Washington D.C., le 22 décembre. / Joshua Roberts / REUTERS

  • Des initiatives en solidarité aux fonctionnaires

C’est le revers positif de la médaille. Face à la multiplication des épisodes de shutdown, de nombreux commerces à travers le pays ont pris l’initiative de proposer des offres spéciales à destination des fonctionnaires privés de salaire. C’est le cas du célèbre chef José Andrés, qui possède de nombreux restaurants dans la région de Washington D.C. : les familles des employés fédéraux pourront ainsi avoir un plat gratuit pendant toute la durée de la paralysie.

Plus facétieux – ou opportunistes – de nombreux bars ont revu leur carte pour s’adapter à la tendance actuelle. Au Capital Lounge, à Washington D.C., on propose ainsi depuis le 22 décembre de nouveaux cocktails, dont le « Mexique paiera pour ça ». Le shutdown en cours est en effet dû à la querelle entre les démocrates et le président Donald Trump, qui veut disposer de cinq milliards de dollars (4,4 milliards d’euros) pour construire un mur « solide, beau et sûr » à la frontière avec le Mexique, une des promesses phares de sa campagne présidentielle.

Comprendre l'immigration clandestine en une carte
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