Eric Drouet, figure médiatique des « gilets jaunes », a de nouveau été interpellé, mercredi 2 décembre à Paris dans la soirée, pour participation à une manifestation non déclarée, puni par une peine pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Plusieurs autres manifestants ont été arrêtés pour des vérifications d’identité.

M. Drouet, un des initiateurs de la première mobilisation nationale des « gilets jaunes » le 17 novembre, était venu, avec une cinquantaine de personnes, déposer des bougies place de la Concorde, en soutien aux dix morts et aux blessés du mouvement social. Le chauffeur routier de 33 ans était toujours en garde à vue jeudi.

Dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux dans la nuit de mercredi à jeudi, son avocat, Me Kheops Lara a dénoncé une interpellation « totalement injustifiée et arbitraire ». Après s’en être pris aux médias, jugeant qu’ils avaient « leur part de responsabilité dans le harcèlement policier », dont Eric Drouet est, selon lui, l’objet, son avocat a affirmé avoir demandé au procureur de Paris la levée de sa garde à vue et de celles des personnes qui l’accompagnaient. Légalement, la garde à vue de M. Drouet peut durer vingt-quatre heures.

« Lâchez-le ! »

Selon une source policière, M. Drouet a été arrêté alors qu’il se dirigeait vers les Champs-Elysées, aux côtés d’autres sympathisants. Sur une vidéo publiée sur Twitter par un journaliste, on voit le militant, saisi par plusieurs membres des forces de l’ordre, être embarqué dans un véhicule de police, sous les huées de plusieurs personnes réclamant qu’il soit relâché.

Un peu plus tôt dans l’après-midi, ce chauffeur routier, pour lequel Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise, a exprimé sa « fascination », avait appelé dans une vidéo sur Facebook à mener une « action » sur la célèbre artère parisienne.

« Ce soir, on ne va pas faire une grosse action mais on veut choquer l’opinion publique. Je ne sais pas s’il y en aura qui seront avec nous sur les Champs(…) On va tous y aller sans gilets. »

Selon Me Lara, le « crime » de M. Drouet, mercredi soir, a été de déposer « des bougies (…) sur la place de la Concorde à Paris en hommage aux victimes gilets jaunes”, décédées pour des motifs variés à l’occasion des manifestations et de l’occupation des ronds-points ». « Puis d’avoir voulu se réunir avec quelques proches et amis dans un endroit privé, un restaurant notamment, pour discuter et échanger », a-t-il poursuivi, ajoutant que le tout s’était fait « sans violence, sans haine ».

« Ça s’appelle le respect de l’Etat de droit »

L’interpellation du chauffeur routier a suscité diverses réactions, d’aucuns dénonçant un procédé pour « faire taire le mouvement », quand le gouvernement défend la nécessité de « respecter l’Etat de droit ».

Le président du mouvement citoyen des « gilets jaunes », Kamel Amriou estime que cette arrestation est « disproportionnée » et vise à « stigmatiser » M. Drouet. « Ce n’est pas un très bon message à envoyer au reste de la population et de la grande majorité de Français qui soutiennent nos actions », poursuit M. Amriou sur France Inter.

Côté politique, Jean-Luc Mélenchon a réclamé sa libération et a dénoncé sur Twitter un « abus de pouvoir », ainsi qu’« une police politique [qui] cible et harcèle » les leaders des « gilets jaunes ».

A l’extrême droite, Florian Philippot, le président des Patriotes s’est dit « très choqué », constatant « que le régime Macron devenait de plus en plus autoritaire ». Le président des centristes, Hervé Morin, a, lui, dénoncé « l’amateurisme » du gouvernement qui doit « sortir de l’arrogance et du mépris », après l’arrestation du « gilet jaune ».

« Ça s’appelle le respect de l’Etat de droit. (…) Quand quelqu’un organise une manifestation alors qu’elle n’est pas déclarée, c’est qu’il ne respecte pas l’Etat de droit », a justifié le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, sur France Inter.

« Dans une République, l’ordre est important. (…) La République, ce n’est pas l’anarchie. (…) Il est normal que, quand on ne respecte pas la loi républicaine, on en paie les conséquences », a abondé le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, sur Cnews.

Des précédents

M. Drouet est une des voix qui pèsent dans la contestation, qu’il définit lui-même comme « populaire » et « totalement apolitique ». Créée à la mi-octobre, la page Facebook d’Eric Drouet appelant au « blocage national contre la hausse des carburants » a été rapidement suivie par des dizaines de milliers de personnes, amorçant la mobilisation nationale du 17 novembre, l’« acte I » des « gilets jaunes ».

Le 22 décembre, M. Drouet avait déjà été interpellé lors de l’« acte VI » des manifestations à Paris. Il sera jugé le 5 juin en correctionnelle pour « port d’arme prohibé de catégorie D », après avoir été retrouvé porteur d’une sorte de matraque, et pour « participation à un groupement formé en vue de violences ou de dégradations ».

Il avait également suscité une controverse en appelant sur BFM-TV à « rentrer » dans l’Elysée. S’il s’en est ensuite défendu, sa déclaration a, sur le coup, semblé appeler au renversement des institutions, ce qui lui avait valu une audition par la police.

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