"Paradise Papers" : l'évasion fiscale expliquée avec des hamburgers
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Alors que les Européens ne parviennent toujours pas à se mettre d’accord sur la fiscalité des multinationales du numérique, Google en profite. Le moteur de recherche a poursuivi tranquillement sa stratégie d’optimisation fiscale en 2017, en déplaçant artificiellement 19,9 milliards d’euros de profits vers les Bermudes, un paradis fiscal où il bénéficie d’une fiscalité quasi-nulle.

La multinationale américaine utilise depuis des années un montage fiscal complexe connu sous le nom de « double sandwich irlandais-néerlandais ». En recourant à des sociétés écrans sans employés domiciliées en Irlande, à Singapour, aux Bermudes et aux Pays-Bas, Google « aspire » une partie substantielle des profits qu’il réalise à travers le monde (y compris en France) et les déverse aux Bermudes, où il n’est soumis à aucun impôt sur les bénéfices.

Si ces 19,9 milliards de profits avaient été imposés au taux normal de 12,5 % en vigueur en Irlande, Google aurait dû payer 2,5 milliards d’impôts supplémentaires. Et encore plus si ces bénéfices avaient été fiscalisés dans les pays où ils ont été réalisés.

Un montage légal… jusqu’en 2020

Le tour de magie est d’autant plus impressionnant qu’il est réalisé en toute légalité, comme le rappelle Google à chaque interpellation publique sur sa stratégie fiscale : « Nous payons toutes les taxes que nous devons et nous conformons aux règles fiscales de tous les pays dans lesquels nous opérons à travers le monde. » Le montage repose toutefois sur une faille volontairement introduite par l’Irlande dans sa législation, que Dublin a été contraint de « réparer », sous la pression de l’Union européenne et des Etats-Unis… à compter de 2020. Google dispose donc encore d’un an pour rentrer dans le rang, ou trouver une nouvelle stratégie fiscale.

Il est impossible de savoir combien Google aurait dû payer d’impôts en France s’il n’avait pas recouru à ce stratagème, car la multinationale ne publie pas le détail de ses résultats pays par pays. Il est toutefois indéniable que la France est touchée de plein fouet par les pratiques d’optimisation fiscale des géants du numérique. Malgré un chiffre d’affaires substantiel réalisé grâce au marché français, Google paie en France un impôt sur les bénéfices ridicule, compris chaque année entre 7 millions et 14 millions. L’administration fiscale a bien tenté en 2014 de lui infliger un redressement fiscal record de 1,1 milliard d’euros, mais Google a réussi à faire annuler la sanction en justice.

Les Etats européens discutent depuis des années de la manière d’imposer aux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) une taxe spécifique pour compenser ces pratiques d’optimisation fiscale. Mais les discussions achoppent en raison des divergences entre les capitales. Le gouvernement français a donc annoncé qu’il introduirait très prochainement sa propre taxe nationale. Concentrée sur les revenus publicitaires et donc ciblée sur Google et Facebook, elle est censée rapporter 500 millions d’euros en 2019.