A bord du « Sea-Watch-3 », près des côtes maltaises, le 4 janvier 2019. Ce navire, affrété par une ONG allemande, a secouru des migrants au large de la Libye avant Noël. / DARRIN ZAMMIT LUPI / REUTERS

Editorial du « Monde ». Des hommes, des femmes et des enfants se noient en fuyant leur pays. Quels que soient les risques encourus, ils continuent de périr en tentant de rejoindre l’Europe. Trois ans après l’arrivée massive de migrants et leur accueil notamment par l’Allemagne, le continent est pourtant devenu un eldorado de plus en plus inhospitalier. Des routes ont été fermées, des murs érigés, des frontières cadenassées, faisant de la Méditerranée la voie de migration la plus meurtrière du monde.

Selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), qui a publié son bilan le 3 janvier, 2 260 personnes sont mortes en mer en 2018 entre l’Afrique et l’Europe. Même si c’est un millier de moins qu’en 2017, cela reste une honte absolue pour une Europe qui a décidé l’an dernier, selon les Etats, de fermer ses ports, comme l’Italie ou Malte, ou de ne pas accorder de pavillon à un bateau de secours en mer, tel l’Aquarius, forcé de suspendre ses activités humanitaires.

La pression migratoire est pourtant en baisse constante depuis la ruée vers l’Europe de 2015. Ainsi, 150 000 migrants sont arrivés à destination en 2018, selon Frontex, l’agence européenne de coopération aux frontières (115 000 selon le HCR), loin du pic de 1 million de 2015. La première porte d’entrée est désormais l’Espagne, à la suite des accords passés par l’Italie avec la Libye pour empêcher les départs en mer.

En dépit de cette baisse drastique, les politiques européens, tétanisés par la montée des nationalismes et de la xénophobie, continuent à ne pas trouver de politique commune et humaniste face à ces voyageurs prêts à tout pour fuir la misère et la guerre.

« Record de la honte »

Des ONG de défense des droits de l’homme ont dénoncé, vendredi 4 janvier, un nouveau « record de la honte » alors que 49 migrants, dont des enfants en bas âge, secourus en mer au large de la Libye, restent ballottés depuis deux semaines dans une mer houleuse près des côtes maltaises à bord de deux navires ayant récemment pris le relais de l’Aquarius, le Sea-Watch et le Sea-Eye.

La Commission européenne négocie leur débarquement en appelant les Etats à « plus de solidarité ». Seuls l’Allemagne, les Pays-Bas et la France se sont portés volontaires pour accueillir « une partie des migrants ». Reste à trouver un port de débarquement, ce qu’aucun pays à frontière maritime ne propose pour le moment.

L’accord européen conclu en juin 2018 sur la création de « plates-formes de débarquement » et de « centres contrôlés » n’a toujours pas été mis en application. A quelques mois d’élections européennes où chaque pays redoute une nouvelle montée de l’extrême droite, la paralysie est totale. La seule « efficacité » de l’Europe semble être, vu la chute des arrivées, les accords conclus avec des pays de transit tels que la Turquie et la Libye. Une efficacité discutable, sinon morbide, quand on connaît les conditions de survie dans un pays en guerre comme la ­Libye. Le HCR appelle les pays européens à « sortir de l’impasse ».

Fait nouveau, il y a une seconde mer où les migrants se jettent désormais à l’eau dans de frêles embarcations, en dépit des flots agités et des températures hivernales : la Manche. Londres estime que 539 migrants ont tenté cette traversée depuis la France en 2018, dont 80 % durant les trois derniers mois de l’année. Un navire britannique de patrouille a été envoyé dans la zone. L’Europe doit tout faire pour empêcher que celle-ci ne devienne, après la ­Méditerranée, un second tombeau marin sur les ruines de nos valeurs d’hospitalité et d’humanité.