Il y a quatre ans, dix-sept personnes ont perdu la vie et des dizaines ont été blessées lors des attentats à la rédaction de Charlie Hebdo (dans le 11e arrondissement de Paris) le 7 janvier 2015, puis à Montrouge (Hauts-de-Seine) et à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, les 8 et 9 janvier – premiers épisodes de la vague d’attentats djihadistes qu’a connu, depuis, la France.

Un hommage aux victimes a été rendu à 11 heures par le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, et la maire de Paris, Anne Hidalgo, au 10, rue Nicolas-Appert (11e arrondissement), où se trouvaient les locaux de Charlie Hebdo. La cérémonie s’est poursuivie boulevard Richard-Lenoir, en hommage à Ahmed Merabet – le policier du commissariat du 11e arrondissement tué non loin de l’hebdomadaire satirique par les terroristes alors qu’il patrouillait à pied. Un hommage aux victimes de l’Hyper Cacher était ensuite prévu à midi.

Le 7 janvier 2015, les frères Chérif et Saïd Kouachi ont tué douze personnes dans l’attaque de Charlie Hebdo, avant de prendre la fuite. Le lendemain, leur complice Amedy Coulibaly a tué une policière municipale à Montrouge. Le 9 janvier, il avait ensuite tué quatre hommes, tous juifs, lors de la prise d’otages de l’Hyper Cacher. Il était mort sur place dans un assaut policier, juste après que les frères Kouachi aient été abattus dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne) où ils s’étaient retranchés après deux jours de traque.

Sur le plan judiciaire, l’enquête est close, au terme de quatre années d’investigation. Le 19 décembre, le parquet de Paris a requis un procès aux assises pour quatorze personnes impliquées à divers degrés dans ces attaques. Il revient, désormais, aux juges d’instruction antiterroristes de décider de renvoyer tout ou partie de ces suspects devant une cour d’assises spécialement composée. Tous sont soupçonnés, au minimum, de soutien logistique aux frères Kouachi et à Amedy Coulibaly.

  • Deux suspects poursuivis pour « complicités d’assassinat terroriste »

Les réquisitions les plus lourdes concernent deux hommes, poursuivis pour « complicité des crimes » commis par les trois terroristes. Ali Riza Polat, 33 ans, en détention, est soupçonné d’avoir joué un rôle majeur au plus près d’Amedy Coulibaly, l’accompagnant en Belgique et en France pour se procurer l’arsenal employé dans les attaques de l’Hyper Cacher et de Montrouge. Il est aussi soupçonné de l’avoir aidé à récupérer la moto utilisée lors de la fusillade de Montrouge.

  • Trois mandats d’arrêt

Trois suspects – Mohamed Belhoucine, son frère Medhi et Hayat Boumedienne, compagne d’Amedy Coulibaly – sont de leur côté visés par des mandats d’arrêt, étant partis quelques jours avant les attaques pour la zone irako-syrienne.

Mohamed Belhoucine est particulièrement visé car il est soupçonné d’avoir eu un rôle idéologique dans les attaques de Coulibaly. Les enquêteurs ont établi que cet ancien étudiant en école d’ingénieur était l’auteur du serment d’allégeance à l’organisation Etat islamique (EI), lu par Coulibaly dans une vidéo de revendication, et qu’il avait pu lui ouvrir le canal de communication avec un commanditaire.

Mehdi Belhoucine est de son côté soupçonné d’avoir notamment participé au départ programmé d’Hayat Boumedienne du territoire français. Mohamed Belhoucine et son frère Mehdi sont toutefois présumés morts.

Hayat Boumedienne quant à elle, est poursuivie pour « financement du terrorisme » : selon les investigations, elle aurait participé à des escroqueries aux véhicules, afin de financer les projets de son compagnon, épousé religieusement et non civilement. Aucune information publique ne permet cependant actuellement de savoir si elle se trouve toujours dans la zone irako-syrienne ou pas.

  • Onze personnes en détention

Le parquet a requis que dix personnes en détention répondent du chef d’« association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Pour le onzième suspect, il a requis un renvoi pour simple « association de malfaiteurs », en abandonnant la qualification terroriste. Parmi ces suspects, les enquêteurs ont mis à jour le rôle important de deux suspects – Nezar Pastor Altawik et Mohamed Fares – dans le trafic d’armes. Plusieurs autres suspects sont soupçonnés d’être impliqués, à des degrés moindres, dans le circuit des armes.

  • Pourquoi Peter Cherif n’est pas inquiété par l’enquête

Le djihadiste Peter Cherif, en cavale depuis plusieurs années et arrêté le 16 décembre à Djibouti, n’a jamais été visé par un mandat d’arrêt dans cette enquête. En raison de ses liens avec Cherif et Saïd Kouachi, cette figure du djihad, aussi connue sous le pseudonyme d’Abou Hamza, a pourtant été présentée par plusieurs médias comme un « possible commanditaire » des attentats de janvier 2015, une hypothèse reprise par la ministre de la défense, Florence Parly : « Ce terroriste a joué un rôle important dans l’organisation de l’attentat contre Charlie Hebdo », a-t-elle déclaré, le 4 janvier, sur RTL.

Ces affirmations se fondent sur la proximité entre Peter Cherif et les frères Kouachi. Originaire du 19e arrondissement de Paris, Peter Cherif est devenu membre actif d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) au Yémen, situé juste en face de Djibouti, au bord du golfe d’Aden. Or, c’est de cette organisation terroriste que se sont réclamés les frères Kouachi après leur attentat. Au fil de leurs investigations, les services ont, en outre, repéré que les frères Kouachi avaient entretenu d’importants liens téléphoniques à distance avec lui.

A l’été 2011, ils identifient même un périple de Cherif Kouachi, en compagnie d’un autre français – Salim Benghalem – au sultanat d’Oman, voisin du Yémen. Ils soupçonnent que ce périple, bien qu’ayant eu lieu plusieurs années avant l’attentat de Charlie Hebdo, ait pu être déterminant dans la préparation de l’attaque contre l’hebdomadaire satirique. Ce voyage aurait pu être un moyen d’entrer en contact avec Peter Cherif, ou de s’entraîner au Yémen.

Depuis, rien n’a toutefois pu être judiciairement établi et l’hypothèse que Peter Cherif ait pu être commanditaire de l’attentat n’a pas pu être étayée. « Dire qu’une personne est la commanditaire sans avoir les éléments pour le dire, cela perturbe beaucoup les victimes », a réagi Me Antoine Comte, un avocat des parties civiles dans ce dossier. « Il ne faut pas donner de faux espoirs aux victimes » qui comptent beaucoup sur l’identification du ou des commanditaires, a-t-il ajouté.