Une étude menée par trois chercheurs en science politique, publiée mercredi 9 janvier dans Science Advances, apporte un éclairage nouveau sur les personnes qui diffusent de fausses informations sur Facebook. Andrew Guess, Jonathan Nagler et Joshua Tucker ont corrélé les réponses de 3 500 Américains ayant répondu à un questionnaire sociologique et politique à leurs profils Facebook, pour tenter de déterminer si des facteurs permettaient de prédire la propension des internautes à diffuser de fausses informations.

Les chercheurs ont tiré des résultats deux enseignements majeurs. D’abord, le fait que le partage de fausses informations est un phénomène bien moins courant que ce que l’on imagine parfois : en moyenne, les internautes du panel ont diffusé très peu de liens vers des articles faux durant la période (d’avril à novembre 2016). Un résultat qui s’explique aussi en partie par les critères très restrictifs choisis par l’équipe pour identifier les fake news : l’étude s’est concentrée sur les articles visant à tromper et ayant été invalidés par les sites spécialisés de vérification et a exclu les tribunes et articles partiellement mensongers, comme ceux fréquemment publiés par le site Breitbart outre-Atlantique.

La deuxième conclusion des chercheurs, plus surprenante, concerne le profil des personnes partageant le plus de fausses informations. Jusqu’à présent, les quelques études sur le sujet, basées sur la campagne présidentielle américaine de 2016, soulignaient surtout que les conservateurs américains partageaient davantage de fausses informations que les démocrates. C’était bien le cas dans le panel analysé par l’équipe, mais un autre facteur avait un impact bien plus net : l’âge. Au sein du groupe étudié, les plus de 65 ans avaient deux fois plus tendance à partager de fausses informations que les groupes plus jeunes. Ce facteur reste prédominant quel que soit le niveau d’études, les revenus ou le positionnement politique des personnes interrogées.

Problématique d’éducation aux médias

Les chercheurs avancent plusieurs hypothèses pour l’expliquer, à commencer par la possibilité que le niveau de compréhension du Web et des médias en ligne soit plus faible dans la génération d’Américains nés avant 1960. Une autre hypothèse, d’ordre plus médical, postulerait qu’avec l’âge et l’affaiblissement de la mémoire ces générations sont plus vulnérables à certains types de messages trompeurs.

Comme le reconnaissent les chercheurs, ces premières conclusions appellent de nouvelles recherches pour les préciser et, notamment, pour vérifier si les mêmes résultats seraient obtenus dans d’autres pays. L’étude ne prend notamment pas en compte le fait de savoir si les personnes ont partagé les fausses informations « de bonne foi », ou en sachant qu’elles étaient erronées. De même, un critère important n’a pas pu être pris en compte : la composition des flux Facebook des personnes interrogées, qui influe grandement sur le fait d’être ou non exposé à de fausses informations que l’on repartage ensuite. L’étude apporte toutefois un nouvel argument aux spécialistes de l’éducation aux médias qui estiment que les efforts ne doivent pas porter uniquement sur les jeunes générations – en France comme aux Etats-Unis, l’essentiel des efforts en la matière porte sur les écoles, collèges et lycées.