Ce fut l’une des belles découvertes de l’année 2018. Fin octobre, des chercheurs travaillant sur l’un des instruments du Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO) au Chili ont annoncé détenir une preuve que « Sagittarius A* », le mystérieux objet hyper-massif placé au centre de la Voie lactée, est bel et bien un énorme trou noir. Dans un article paru dans la revue Astronomy & Astrophysics, l’équipe de la collaboration « Gravity », qui associe en France l’Observatoire de Paris, l’université Grenoble-Alpes et le CNRS, affirme avoir détecté, à la périphérie de cet astre, un disque fait de gaz tourbillonnant à des vitesses proches de celle de la lumière. Une caractéristique de cette obscure catégorie de corps célestes !

Repéré en 1974, à 26 000 années-lumière de la Terre, dans une région du cœur de notre galaxie abondante en gaz et en poussières, « Sagittarius A* » correspond probablement à un trou noir super-massif. En effet, cette radiosource s’avère occuper le centre d’une nébuleuse d’étoiles placées sur des trajectoires particulières.

Certaines, comme tenues par la gravité d’un invisible et formidable objet d’une masse 4,14 millions de fois supérieure à celle du Soleil, décrivent des ellipses de même foyer. Des sursauts intenses de rayonnement infrarouge ont aussi été détectés dans cette zone. Selon les astrophysiciens, ils pourraient avoir été produits par de la matière, fortement accélérée et échauffée, au moment où, arrachée à un disque de gaz, elle est ingurgitée par un trou noir.

Résolution inégalée

Ces observations réunies prouvent-elles, pour autant, la nature de cet astre ? Et si oui, de quoi parle-t-on exactement ? « Prédites par la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, les propriétés des trous noirs, ces objets au champ de gravité si fort qu’aucune lumière ne s’en échappe, n’ont pas toutes été testées expérimentalement », rappelle Guy Perrin, astronome au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Lesia) de l’Observatoire de Paris.

Tenter d’apporter une solution à ce problème est l’objectif de plusieurs programmes internationaux consacrés à l’observation de Sagittarius A *, parmi lesquels « Gravity ». Construit par des laboratoires allemands, français et portugais, cet interféromètre fonctionnant dans l’infrarouge proche combine les faisceaux lumineux issus des quatre télescopes de 8 mètres du VLT pour produire des images d’une résolution inégalée : de l’ordre de celles que pourrait réaliser un unique télescope de 130 mètres de diamètre.

Depuis 2016, il relève à intervalles réguliers la position de « S2 », la plus proche étoile de Sagittarius A* avec l’espoir de mettre en évidence certains effets de relativité générale à même de livrer un supplément d’informations. Telles que la quantité de matière présente dans l’environnement immédiat de l’hypothétique trou noir ou la vitesse de rotation de ce dernier. Dans le même temps, il surveille les émissions infrarouges afin de, cette fois, non plus seulement les détecter, mais les mesurer avec précision.

Sursauts lumineux

Cette attente a été récompensée l’an dernier. En effet, par trois fois, en mai et en juillet 2018, les astrophysiciens de la collaboration « Gravity » ont observé ces sursauts lumineux, leur permettant d’établir qu’ils étaient, comme le prévoyaient exactement leurs modèles de trous noirs, émis depuis l’emplacement supposé du disque de gaz, par des espèces de bulles de plasma appelées « points chauds ». Cisaillées par les différences d’accélération infernales qu’elles subissent, soumises à de gigantesques perturbations magnétiques, celles-ci connaîtraient, dans cette zone limite au-delà de laquelle toute matière finit par être engloutie, des éruptions sporadiques à l’origine des rayonnements !

« Gravity » n’est pas le seul programme à promettre des révélations. Un autre projet devrait, prochainement, livrer, lui aussi, des résultats. Baptisé EHT (« Event Horizon Telescope »), il a consisté, en 2017, à faire travailler de concert des observatoires radio-millimétriques du monde entier – dont en France, l’IRAM –, afin de créer une sorte de titanesque télescope virtuel de la taille de la Terre. Cela dans un but apparemment dérisoire : produire une image. Mais quelle image ! Rien de moins que celle de l’« ombre » de Sagittarius A*, pour la première fois révélée.