Elle n’a plus donné signe de vie depuis le 31 octobre 2018. Anne-Elisabeth Falkevik Hagen, 68 ans, est l’épouse de l’investisseur norvégien Tom Hagen, 172e fortune du royaume scandinave, selon le magazine Kapital. Mercredi 9 janvier, la police a révélé que la soixantenaire avait vraisemblablement été kidnappée, il y a deux mois et demi, à son domicile, où les ravisseurs ont laissé une demande de rançon en cryptomonnaie.

L’information avait jusque-là été gardée secrète, même si de nombreux médias norvégiens étaient au courant. Ils ont choisi de respecter les consignes données par les enquêteurs, dont la « théorie principale est que la victime a été enlevée par des inconnus à son domicile de Lorenskog », à une quinzaine de kilomètres d’Oslo, a précisé l’inspecteur Tommy Broske, chef de la section recherche et enquête, lors d’une conférence de presse mercredi midi.

Selon le journal Verdens Gang, une lettre « en mauvais norvégien » a été retrouvée au domicile du couple. Ses auteurs y exigeraient le versement d’une rançon de neuf millions d’euros en monéro, une cryptomonnaie difficile à traquer, contre la vie de Mme Falkevik Hagen. L’inspecteur Broske a confirmé que de « graves menaces » avaient été formulées. Les policiers, cependant, ont recommandé à la famille de ne pas payer la rançon – un conseil suivi par l’époux de la victime, a fait savoir mercredi l’avocat de la famille, Svein Holden.

Une enquête discrète, mais internationale

L’enquête, jusque-là, avait été menée en toute discrétion. Les policiers ont utilisé des voitures avec de fausses plaques d’immatriculation pour se rendre au domicile du couple. Leurs voisins ont été interrogés sous de faux prétextes. Mais les enquêteurs n’ont pas pu passer au crible les environs de la maison, de crainte de se faire repérer par les ravisseurs.

Outre la police norvégienne, l’enquête a mobilisé les services d’Interpol et d’Europol. Les enquêteurs norvégiens n’excluent pas que Anne-Elisabeth Falkevik Hagen ne se trouve plus dans le royaume, mais ait été transférée à l’étranger.

En rendant l’affaire publique, ils espèrent obtenir des informations du public, alors que l’enquête semble patiner. Si les policiers estiment que le motif de l’enlèvement est « financier », ils n’ont, pour le moment, identifié aucun suspect. Aucune communication orale avec les kidnappeurs présumés n’a eu lieu, selon Tommy Broske. Seulement des contacts « très limités » sur une plate-forme de communication numérique.

Maître Holden, de son côté, espère que la médiatisation de cette affaire « cruelle et inhumaine » permettra d’obtenir des preuves de vie de la victime et d’établir qu’elle « est en vie et se porte bien », ainsi que d’engager un dialogue avec les ravisseurs.

L’émoi dans le royaume

Ce genre d’événement est extrêmement rare en Norvège, et suscite l’émoi dans le royaume. Interrogé sur les risques de nouveaux enlèvements, M. Broske a estimé qu’ils ne pouvaient être « exclus », rappelant que des « cas de nature similaire » avaient eu lieu à l’étranger. Le quotidien Aftenposten en recense neuf dans lesquels les ravisseurs exigeaient le versement d’une rançon en cryptomonnaie : trois en Amérique latine, deux en Afrique du Sud, les autres en Inde, à Hongkong, en Italie et en Ukraine. Dans la plupart des cas, les coupables ont été arrêtés et condamnés.

Tom Hagen, 68 ans, a fait fortune dans le commerce de l’électricité et l’immobilier. Il détient 70 % du fournisseur d’électricité Elkraft, qu’il a cofondé en 1992. Selon le magazine Kapital, sa fortune s’élèverait à 1,7 milliard de couronnes (174 millions d’euros). Sa femme siège au conseil d’administration de plusieurs de ses sociétés.

Discret, Tom Hagen n’apparaît que rarement dans les médias norvégiens. Le 27 juillet 2018, le quotidien économique Dagens Naerlingsliv lui avait toutefois consacré un article, qui estimait que la vente d’électricité et ses investissements immobiliers lui avaient rapporté un milliard de couronnes en onze ans.