« Lors d’une précédente consultation sur les chasses traditionnelles, en juillet 2018, les avis condamnant ces pratiques ont été à plus de 95 % défavorables à ces pratiques. Que fit le ministère ? Il les a maintenues, conformément à la volonté du chef de l’Etat » (Oies cendrées, Anser anser). / Ronald Wittek/GO Premium / Photononstop

Tribune. La détermination est une qualité, l’obstination un défaut. À force de s’obstiner à vouloir faire des cadeaux aux chasseurs, le président Macron va finir par y laisser des plumes.

Tout commence en décembre 2017 à Chambord lorsque, la nuit venue, le président de la République s’engage, devant un parterre de cadavres de sangliers, à satisfaire les désirs du monde cynégétique. A l’occasion de son anniversaire, il se montre généreux. Les chasses présidentielles, abolies par Jacques Chirac en 1995, vont renaître de leurs cendres. On décide même que la première se déroulera lors d’une invitation au gouvernement italien, à l’occasion du 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci.

L’esprit éclairé qui a imaginé une telle célébration a omis un détail : le brave Léonard était végétarien et figure parmi les ardents défenseurs de la condition animale. On lui prête cette prémonition : « Ce qui est aujourd’hui considéré comme un crime pour l’homme, le sera demain pour l’animal ». Pas sûr que lui rendre hommage cinq siècles plus tard, par une invitation à tuer, soit du meilleur goût.

Côté finance, c’est un rabais de moitié du prix du permis qui est accordée à ceux qui veulent chasser en tous lieux (les plus riches) : le tarif tombe de 400 euros à 200 euros, soit un manque à gagner d’environ 20 millions d’euros pour la biodiversité… que les citoyens devront combler en payant leur facture d’eau puisque les agences du même nom sont mises à contribution.

Capturer, assommer, étrangler

Sur le maintien des chasses traditionnelles, qui consistent à capturer à la glu des oiseaux, à en assommer d’autres avec des pierres, à en étrangler certains avec des lacets, et autres traitements d’une époque révolue, il n’est pas question de tourner la page en ce début de XXIe siècle. Le ministère de la transition écologique se charge de défendre ces pratiques devant le Conseil d’Etat, en décembre 2018 avec, il faut l’avouer, un certain malaise d’avoir à effectuer les basses besognes.

L’heure des étrennes étant venue, il est désormais prévu de prolonger la chasse aux oies jusqu’à la fin février. Contrevenant lucidement aux règles biologiques qui imposent de cesser le feu lorsque la période de reproduction est engagée, le président Macron a garanti aux chasseurs qu’ils pourraient s’exonérer de cette mesure de raison. Bien que par dix fois, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a obtenu que cette tentative de prolongation soit retoquée par le Conseil d’Etat, le président de la République s’estime au-dessus de la Cour suprême et des directives européennes.

Pour justifier le fait du prince, il fait référence à une « prolifération » d’oies dans les pays du nord de l’Europe. Qui aurait demandé à la France de tuer des oies sur son territoire pour soulager les Néerlandais ? Personne… Comble de subterfuge, les oies des Pays-Bas sont sédentaires, comme le confirme le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Chasser les palmipèdes en France n’aurait, en conséquence, aucun effet sur les populations néerlandaises !

Naturellement, la LPO agira, une nouvelle fois, en référé devant le Conseil d’Etat si le projet est maintenu. En attendant, dans un grand élan de démocratie participative, le ministère de la transition écologique et solidaire a lancé une consultation publique pour savoir si le prolongement de la chasse aux oies était opportun. Il convient évidemment d’y répondre, mais que fera du résultat François de Rugy, le ministre de la transition écologique ?

Les belles promesses du candidat

Lors d’une précédente consultation sur les chasses traditionnelles, en juillet 2018, les avis condamnant ces pratiques ont été à plus de 95 % défavorables à ces pratiques. Que fit le ministère ? Il les a maintenues, conformément à la volonté du chef de l’Etat. Ce choix rappelle l’épisode de la démission de Nicolas Hulot. Convié à admettre le principe des chasses traditionnelles, au soir du 27 août 2018, Nicolas Hulot m’avait confié en sortant de l’Elysée : « Soit je souscris au plan chasse qui m’est imposé, mais je ne peux m’y résoudre, soit je démissionne. J’en déciderai demain ». On connaît la suite.

En attendant l’épilogue de cette affaire, on peut s’étonner que le président de la République, prompt à satisfaire les chasseurs, qu’il a officiellement rencontrés trois fois, ait refusé d’accueillir le collectif des principales associations nationales de protection de la nature. De même, que sont devenues les belles promesses du candidat qui s’était engagé à sortir de la liste des espèces d’oiseaux chassables celles qui étaient les plus affectées ?

Sur les soixante-quatre espèces d’oiseaux chassables en France (contre une moyenne d’une vingtaine dans le reste de l’Europe), vingt d’entre elles figurent sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Non seulement la France s’accommode de cette situation en clamant, par ailleurs, que la sauvegarde de la biodiversité est une priorité, mais elle a refusé la proposition de Bruxelles d’accorder un moratoire à la tourterelle des bois qui a perdu 80 % de ses populations…

Si je ne peux concevoir que l’on retire la vie par simple divertissement, je sais que certains chasseurs attachent plus d’importance à la préservation de la biodiversité qu’à leur gibecière. C’est à eux que je m’adresse, afin qu’ils se désolidarisent d’une déviance cynégétique pathétique qui génère souffrance, médiocrité et dégradation du vivant. La chasse du XXIe siècle doit couper les racines d’une obsession à vouloir tuer toujours plus. Monsieur le Président de la République, ne soyez pas l’instrument de l’immobilisme. Baissez les armes !