Au lendemain de la démission de Chantal Jouanno, qui avait laissé supposer le contraire, Benjamin Griveaux l’a martelé, mercredi 9 janvier, à l’issue du conseil des ministres : « La peine de mort, l’IVG et le mariage pour tous ne sont pas sur la table » du débat national imaginé par le gouvernement pour sortir de la crise des « gilets jaunes ». La mise au point intervient après que la remise en question de la loi ouvrant le mariage aux personnes du même sexe, emblématique du quinquennat précédent, s’est invitée par surprise à la faveur de la consultation citoyenne numérique organisée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour nourrir son avis, remis le 12 mars.

Du 15 décembre au 3 janvier, quelque 31 000 internautes ont déposé 9 059 contributions et procédé à 260 854 votes sur une plate-forme ouverte à tous. Celle arrivée en tête, avec 5897 votes – une participation qui reste ultraconfidentielle – réclame donc l’abrogation de la loi sur le mariage pour tous. Bien loin du cadre posé par le CESE qui avait défini six thématiques « directement liées aux revendications des “gilets jaunes”, comme le pouvoir d’achat ou la fiscalité écologique », précise l’organisation, dont le rôle est d’éclairer le gouvernement sur des questions de société. Bien loin aussi des préoccupations exprimées jusqu’ici par les « gilets jaunes ».

Forte capacité de mobilisation

La proposition émane du collectif On ne lâche rien (ONLR), dont le porte-parole, Fabien Bouglé, conseiller municipal à Versailles, se réjouit que « la crise actuelle ait ouvert la boîte de Pandore des contestations ». « Les “gilets jaunes” ont mis en avant la déshumanisation de la société et le déni de démocratie qu’incarnait déjà l’adoption de la loi Taubira, qui a ouvert la voie à la marchandisation des corps des femmes et des enfants. C’est un continuum », assure-t-il.

« Les “gilets jaunes” ont mis en avant la déshumanisation de la société et le déni de démocratie qu’incarnait déjà l’adoption de la loi Taubira. »

Les contributions qui complètent le trio de tête portent aussi la marque des réseaux militants qui se sont structurés en 2012, dans le sillage de l’opposition au mariage pour tous. Ainsi de celles de « bâtir enfin une vraie politique familiale globale et ambitieuse » et « pour un référendum d’initiative citoyenne (RIC) sur le projet de loi bioéthique », contre l’extension à toutes les femmes de la procréation médicalement assistée (PMA).

Leur succès, dans cette consultation qui a attiré peu de monde, traduit une nouvelle fois la capacité de mobilisation de ces collectifs, qui s’était déjà illustrée lors des Etats généraux de la bioéthique. Mais difficile d’en tirer plus de conclusions à ce stade. Ludovine de La Rochère, qui préside La Manif pour tous, dément même toute intention de participer au grand débat national. Il n’empêche que ses militants se sont rendus, en décembre, à la rencontre de 128 « gilets jaunes » sur les ronds-points, dans une « démarche d’enquête ». Et « nous avons été frappés par le fait que beaucoup évoquent spontanément leur famille et l’inquiétude qu’ils éprouvent à son égard », admet-elle. Elle voit un autre point de convergence : « Comme eux, nous connaissons ce sentiment d’être méprisés par la classe politique. »