Jeffrey « Jeff » Bezos va-t-il perdre la moitié de ses parts dans Amazon ? L’empire de l’homme le plus riche du monde va-t-il être secoué ? Sa femme pourrait-elle influer sur les affaires du géant de la distribution en ligne ? Ces questions agitent la presse américaine et les milieux économiques depuis que M. Bezos, 54 ans, a annoncé, mercredi 9 janvier, son divorce avec sa femme, Mc Kenzie Bezos, 48 ans, avec laquelle il était marié depuis vingt-cinq ans.

« Nous voulons faire connaître aux gens ce changement dans nos vies. (…) Nous avons décidé de divorcer et de poursuivre nos vies comme amis », ont écrit les ex-époux, dans un communiqué cosigné, publié sur le compte Twitter du fondateur d’Amazon.

Quelles conséquences cette séparation va-t-elle avoir sur l’entrepreneur Jeff Bezos et ses sociétés, Amazon, mais aussi l’entreprise spatiale Blue Origin, ou le quotidien Washington Post ? Il est encore trop tôt pour le dire. Les journalistes et observateurs américains en sont réduits à des spéculations, car les détails juridiques du divorce n’ont pas été communiqués par le couple, ni par Amazon. En théorie, McKenzie Bezos pourrait recevoir la moitié de la fortune de Jeff Bezos, selon le droit commun de l’état de Washington, où réside le couple. On ne sait pas si un accord a été scellé entre les deux époux, ni ce qu’il stipule pour les actifs.

La stratégie du géant numérique

La valeur des biens de M. Bezos – essentiellement ses 16 % du capital d’Amazon – est estimée à 137 milliards de dollars, selon l’agence Bloomberg. McKenzie Bezos deviendrait, avec 69,5 milliards de dollars, la femme la plus riche du monde. Si d’aventure cette dernière possédait 8 % d’Amazon, elle pourrait tenter d’infléchir la stratégie du géant du numérique, jusqu’ici décidée par son tout-puissant patron fondateur. Les plus gros actionnaires sont ensuite les fonds Vanguard Group et BlackRock Group Inc., qui possèdent chacun environ 5 % de l’entreprise, note le Wall Street Journal.

Toutefois, une division à parts égales de la fortune de M. Bezos serait surprenante, écrit l’agence Bloomberg, citant les divorces de Larry Ellison, d’Oracle, ou Sergey Brin, de Google, qui n’ont pas eu de conséquences importantes sur leur place dans l’entreprise.

Pour autant, il est difficile d’imaginer que McKenzie Bezos n’obtienne pas une compensation : celle-ci a de longue date une place importante auprès de l’entrepreneur américain. Le couple s’est rencontré au début des années 1990, avant la création d’Amazon, quand M. Bezos lui a fait passer un entretien d’embauche dans le fonds d’investissement David Eliot Shaw. Mariés au bout de quelques mois de relations, ils auraient fait ensemble un voyage en voiture jusqu’à Seattle (Washington), au cours duquel M. Bezos a posé les bases du concept d’Amazon, selon la légende forgée par le couple.

McKenzie Bezos racontait ainsi les débuts de l’entreprise, dans un commentaire d’une biographie de Jeff Bezos parue en 2013 :

« J’étais là quand il a écrit le business plan. J’ai travaillé avec lui et beaucoup d’autres dans le garage reconverti, dans l’entrepôt en sous-sol, dans les bureaux à l’odeur de barbecue ou dans les centres de distribution en ébullition avant Noël, dans les premières années d’Amazon. »

Un enjeu en termes d’image

McKenzie Bezos, mère de quatre enfants, est auteure – elle a notamment écrit The Testing of Luther Albright (2013) et collaboré avec l’écrivaine Toni Morrison, prix Nobel de littérature. Elle a aussi fondé Bystander Revolution, une organisation de lutte contre le harcèlement.

Le ton du communiqué officialisant la rupture entre les ex-époux se veut très apaisant :

« Même si nous avions su que nous nous séparerions au bout de vingt-cinq ans, nous l’aurions quand même fait. Nous avons eu une vie tellement belle ensemble, comme couple marié, et nous envisageons encore un futur merveilleux, en tant que parents, amis, partenaires dans des entreprises ou dans nos projets, et en tant qu’individus en quête d’aventures. »

Les deux riches ex-époux ont intérêt à gérer leur séparation sans faire de vague, comme un différend d’affaires, décrypte de son côté Bloomberg.

Pour Jeff Bezos, cette affaire est aussi un enjeu en termes d’image. L’entrepreneur hors-norme mettait souvent en avant sa femme comme un élément important dans sa construction personnelle et sa réussite. Récemment, en septembre 2018, c’est avec elle qu’il avait fondé Day One, un fond doté de deux milliards de dollars destiné à aider les sans-domicile-fixe et à financer des initiatives d’éducation. Pour un patron connu pour sa fermeté, à la tête d’une entreprise souvent critiquée pour son management dur, c’était là une incursion dans le domaine de la philanthropie, à l’image de celle qu’ont lancée ses pairs milliardaires et entrepreneurs de la « tech » Bill Gates et Mark Zuckerberg.