Emmanuel Macron à Paris, le 11 décembre 2017. / PHILIPPE WOJAZER / AFP

Le 26 septembre 2018, Emmanuel Macron est entré dans le cercle très fermé des « défenseurs de la Terre ». Un titre prestigieux décerné chaque année par les Nations unies à une poignée de « leaders environnementaux exceptionnels » et « exemplaires ». Le président français voyait là couronnée son ambition de devenir le héraut de la lutte internationale pour le climat, symbolisée par l’organisation à Paris du sommet international One Planet et l’invention du slogan « Make our planet great again ».

Pourtant, en France, M. Macron est bien loin de faire figure d’écologiste exemplaire. La démission de son ministre Nicolas Hulot, en août 2018, a achevé de ternir son image d’homme vert. Mais les ONG dénonçaient depuis déjà longtemps les petites et les grandes décisions de la macronie en matière d’environnement.

Pour savoir si Emmanuel Macron est à la hauteur des ambitions qu’il se plaît à afficher, Les Décodeurs du Monde ont établi un tableau de bord qui dresse le bilan écologique du président au bout de dix-huit mois de mandat, sur une trentaine de grands enjeux environnementaux. En voici les principaux enseignements.

Objectifs climatiques : une trajectoire inquiétante

Si Emmanuel Macron jouit d’une solide réputation de défenseur de l’environnement au niveau international, les résultats concrets tardent pour l’instant à venir. Le président a frappé fort au début de son quinquennat en organisant le One Planet Summit, un sommet qui a réuni chefs d’Etat, organisations internationales et entreprises pour renforcer les engagements internationaux en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Il s’est inscrit dans la « coalition de la haute ambition » des pays qui ont promis d’augmenter leur effort pour le climat lors de la COP 24, et a soutenu le renforcement des objectifs européens en matière d’énergies renouvelables.

Mais Emmanuel Macron a aussi accumulé les revers : il a échoué à convaincre Donald Trump de demeurer dans l’accord de Paris, et peine à imposer ses vues sur un prix plancher du carbone et une taxe carbone aux frontières de l’Europe.

La faute en revient peut-être en partie au manque d’exemplarité climatique de la France. Notre pays, qui faisait plutôt figure de bon élève de l’effort climatique au début des années 2000, a vu ses émissions de gaz à effet de serre repartir à la hausse en 2015. En 2017, ces émissions dépassaient de 7 % les objectifs officiels.

Emmanuel Macron et son gouvernement ont promis de corriger le tir, en fixant l’objectif de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Reste à savoir si les moyens mis en œuvre suffiront à atteindre cet objectif. Pour beaucoup d’associations écologistes, le compte n’y est pas : selon elles, les mesures prises depuis le début du quinquennat (fin des hydrocarbures, développement des énergies renouvelables, fiscalité écologique, conversion du parc automobile, rénovation énergétique, etc.) manquent d’ambition – ce que confirment plusieurs études récentes.

Energies : cap sur le renouvelable et confiance renouvelée au nucléaire

Emmanuel Macron a renoncé à réduire substantiellement la dépendance de la France au nucléaire, comme il s’y était engagé pendant sa campagne. La centrale de Fessenheim, dans le Haut-Rhin, sera la seule à fermer pendant son quinquennat, les autres fermetures étant renvoyées à dix ou quinze ans.

Le choix de l’atome est présenté comme la seule orientation réaliste pour accompagner la montée en puissance des énergies renouvelables sans recourir aux énergies fossiles, émettrices de gaz à effet de serre (contrairement au nucléaire). La disparition du charbon français a été programmée à l’horizon 2022, tandis que l’exploitation (résiduelle) de pétrole et de gaz naturel sur le sol français a gagné un sursis jusqu’à 2040. Les pouvoirs publics sont en outre loin d’être encore exemplaires, puisqu’ils continuent de subventionner de manière directe et indirecte les énergies fossiles.

Il est encore trop tôt pour savoir si les objectifs ambitieux de développement des renouvelables seront atteints. Le gouvernement a en tout cas engagé des démarches tous azimuts pour « simplifier » le développement de l’éolien, du solaire et de la méthanisation.

Le bilan est plus contrasté sur la rénovation énergétique des bâtiments, un enjeu crucial pour la réduction de la consommation d’énergie. Malgré des effets d’annonce, les aides de l’Etat ont stagné, voire baissé pour certaines, jetant le doute sur le chiffre de 500 000 rénovations annuelles promises par le gouvernement.

En revanche, le gouvernement a refusé d’entreprendre une action ambitieuse contre l’huile de palme, importée de l’étranger notamment pour produire des biocarburants. Or, celle-ci n’émet pas seulement des gaz à effet de serre : elle menace la biodiversité et les sols en contribuant à la déforestation.

Agriculture : des avancées timides contre les pesticides et pour le bio

Coincé entre l’exigence des associations écologistes et la résistance des lobbys agricoles, le gouvernement a soufflé le chaud et le froid. Les néonicotinoïdes, ces pesticides « tueurs d’abeilles », ont été interdits. L’usage des pesticides a été plus sévèrement encadré, mais le glyphosate a gagné un sursis jusqu’au moins 2020. La France a également donné son aval à une réglementation européenne plutôt laxiste sur les perturbateurs endocriniens.

Sur l’agriculture biologique, le gouvernement s’est arrêté au milieu du chemin : plusieurs mesures ont été prises pour favoriser le développement du bio, à commencer par une augmentation des aides à la conversion pour les agriculteurs ; mais la quasi-suppression des aides au maintien fait peser une menace sur les exploitants, qui n’ont pas trouvé leur équilibre économique au bout de cinq ans.

La majorité macronienne a instauré une expérimentation de menus végétariens dans les cantines à compter de la fin 2019, mais les associations réclament des engagements supplémentaires de l’Etat pour réduire la consommation de viande, fortement émettrice de gaz à effet de serre.

Biodiversité et condition animale : peu de progrès

Malgré l’annonce en grande pompe d’un plan pour la biodiversité, le gouvernement peine à convaincre les associations de la sincérité de son engagement. En cause : des crédits budgétaires insuffisants et des réglementations trop peu contraignantes contre l’étalement urbain. Mais surtout un soutien affiché à plusieurs grands projets d’infrastructures décriés pour leur impact environnemental, comme la rocade ouest de Strasbourg ou le mégacomplexe commercial EuropaCity dans le Val-d’Oise – même si Emmanuel Macron avait agréablement surpris les ONG en abandonnant le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Sur la question de la souffrance animale, la majorité a déçu les défenseurs des animaux en se contentant de mesures minimes, comme l’interdiction des nouveaux projets d’élevage de poules en cage (déjà très rares) ou l’alourdissement des sanctions en cas de mauvais traitements. Mais il a refusé de systématiser la vidéosurveillance dans les abattoirs et de proscrire les pratiques les plus préjudiciables (comme la vente des œufs de poules et de la viande de lapins élevées en cage, le broyage des poussins, les « fermes usines » ou la castration à vif des porcelets).

Emmanuel Macron a également gâté le lobby des chasseurs, au grand dam des défenseurs des oiseaux. Le futur mode de gestion des espèces chassables pourrait s’avérer plus favorable aux chasseurs que le système actuel, même si la police de l’environnement, censée lutter contre le braconnage, voit ses moyens renforcés. En outre, la plupart des techniques de chasse jugées cruelles, comme la chasse à la glu, restent légales malgré les protestations des associations.

Déchets : des mesures à l’horizon 2020-2025

Le gouvernement a multiplié les initiatives pour réduire le gaspillage, avec un effort particulier contre le plastique, responsable d’importantes pollutions en mer et de risques pour la santé : bouteilles d’eau, pailles, touillettes et contenants plastiques seront progressivement interdits dans les cantines scolaires, voire dans l’ensemble de la restauration, entre 2020 et 2025.

Les doggy bags seront par ailleurs bientôt obligatoires dans les restaurants, et la fiscalité des collectivités alourdie pour favoriser le recyclage des déchets au détriment de la décharge. Le gouvernement refuse toutefois pour l’instant de responsabiliser les industriels en taxant les produits non recyclables.

Transports : une ambition corsetée par la crise des « gilets jaunes »

Emmanuel Macron n’a jamais hésité à assumer que la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre passait par un changement radical des habitudes en matière de transport. Il a développé un cocktail de mesures mêlant fiscalité carbone, restriction de véhicules polluants et aides à l’achat de véhicules « propres », dans le but d’aboutir à la disparition des voitures à moteur thermique à l’horizon 2040. La crise des « gilets jaunes » a remis en cause cette politique en contraignant le gouvernement à alléger la fiscalité écologique sur les carburants – ce qui interroge sur la vitesse à laquelle la transition écologique du parc automobile pourra se faire.

En parallèle, la majorité a tenté de favoriser le développement du vélo et du covoiturage. Les moyens mis sur la table, bien qu’inédits, sont encore jugés insuffisants par les ONG spécialisées pour développer de façon décisive ces moyens de transport encore très minoritaires pour les trajets quotidiens des Français.

Le gouvernement a aussi augmenté les budgets dédiés au financement des infrastructures, en mettant la priorité sur l’entretien et le développement des routes et du train. Mais moins de 10 % des fonds financeront des projets de transports en commun.