Félix Tshisekedi lors d’un meeting de campagne à Kinshasa, le 21 décembre 2018. / LUIS TATO / AFP

A Limete, dans la résidence de Félix Tshisekedi, juste déclaré vainqueur de la présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), jeudi 10 janvier, une photographie du père repose toujours sur un fauteuil, face à une table basse sur laquelle est posé son radiocassette. Rien n’a bougé depuis la mort d’Etienne Tshisekedi, le 1er février 2017. « Fatshi », comme est surnommé le fils, avait hérité à cette date du parti. Son élection à la présidence de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), en mars 2018, avait été contestée par certains proches du défunt qui doutaient de sa capacité à le diriger et n’imaginaient pas qu’un jour il prendrait les rênes du pays, réalisant ainsi le rêve inachevé du père.

Avec son air bonhomme, son visage rieur et son physique de catcheur, Félix Tshisekedi, 55 ans, est plutôt un bon vivant, modéré et plus diplomate que son jusqu’au-boutiste de père, qui avait revendiqué sa victoire aux élections de 2011 et s’était proclamé « président élu »… C’est dans l’ombre de cet homme fort que le fils s’est initié aux rouages de la politique.

Aujourd’hui, le doute plane encore sur lui. « Il est un peu naïf », lâche un de ses proches. Pour plusieurs diplomates de Kinshasa, « Félix est achetable » depuis la mort de son père et « n’a pas de vision politique ». Ce qui ne rassure pas vraiment sur sa capacité à gérer ce pays immense dépourvu d’infrastructures, à faire vivre les complexes équilibres de l’armée et à tenir tête à des puissants voisins comme l’Angola et, surtout, le Rwanda et l’Ouganda, qui lorgnent les richesses de l’est du pays, en proie à la déstabilisation par des groupes armés.

Faux diplôme de marketing

Félix Tshisekedi a baigné dans la politique dès son plus jeune âge. Il a vu son père emprisonné par Mobutu, assigné à résidence dans son village du Kasaï, avant de partir avec sa mère en exil en Belgique, où il fréquente les autres « fils de » de la bonne société congolaise. Son diplôme de marketing et communication, versé au dossier de sa candidature pour l’élection, est un faux, selon la presse belge. Mais il n’en a cure.

Après avoir secrètement et vainement négocié avec des stratèges de Joseph Kabila à Ibiza, Venise et Paris en 2015, il l’affronte lors du dialogue politique en décembre 2016, sous l’égide de l’Eglise catholique. Mais « Fatshi » peine à s’imposer face aux redoutables conseillers de Joseph Kabila, même s’il signe l’accord du 31 décembre prévoyant des élections fin 2017. « On s’est fait rouler », confiera-t-il plus tard.

Quelques jours avant la proclamation des résultats, dans son bureau du sixième étage d’un immeuble chic, il fulminait contre son rival, Martin Fayulu, et contre la diplomatie européenne et les médias occidentaux qui le soutiennent, selon lui. « Je pensais avoir des amis, en Europe », lâche-t-il, déçu. La France, par la voie de son ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré sur CNews : « Il semble bien que les résultats proclamés […] ne soient pas conformes aux résultats […]. Martin Fayulu était a priori le leader sortant de ces élections. »