Après une hausse continue de huit ans, les prélèvements d’organes tels que le rein, le cœur et le foie ont baissé en 2018, d’environ 5 %. Au total, 5 781 greffes ont été réalisées, c’est 324 de moins que l’année précédente, selon des chiffres rendus publics par l’Agence de la biomédecine. Il y a eu 1 746 donneurs, soit 50 donneurs de moins par rapport à 2017, or un seul donneur permet souvent de greffer plusieurs malades.

Ce « trou d’air » au premier semestre a toutefois été atténué vers la fin de l’année. Pour l’expliquer, le professeur Olivier Bastien, responsable du prélèvement et des greffes à l’agence, évoque « la mobilisation collective, cela malgré le climat de tension sociale ». Une alerte sur ce repli avait été donnée dès octobre, la baisse atteignant même à ce moment-là 10 à 15 % dans certaines régions. L’Agence avait alors lancé deux campagnes en octobre et novembre pour mobiliser la population sur le don de rein de son vivant et le don post-mortem.

« Une inflexion inquiétante »

Dans une lettre adressée aux autorités sanitaires, dont Le Monde a eu connaissance, l’association de patients Renaloo dénonçait fin décembre 2017 « une inflexion inquiétante. Elle se conjugue à la stagnation de l’activité de greffe de donneurs vivants, qui est elle aussi préoccupante ». D’ailleurs, la baisse atteint 12 % pour les greffes de rein à partir de donneurs vivants, avec 537 greffes en 2018. « Une baisse significative », liée sans doute au modèle d’organisation de l’hôpital et une sensibilisation insuffisante de la population à cette possibilité du don vivant.

Point positif, les greffes à partir de donneurs décédés dans le cadre d’une limitation ou d’un arrêt des thérapeutiques, dites « de type Maastricht III », permises depuis 2014, ont progressé de 20 % avec 281 greffes.

Comment expliquer ce recul global ? Il semble dû à « l’épisode grippal qui a fortement mobilisé l’hôpital début 2017, notamment les services de réanimation », indique Olivier Bastien. Les équipes ont été moins disponibles pour l’activité de prélèvement, très mobilisatrice pour le personnel soignant.

« Une alerte à prendre en compte »

Une greffe étant une chaîne qui implique plusieurs services médicaux et toutes les catégories de personnel. « Mais les équipes se sont remobilisées vers la fin de l’année », ajoute le professeur Bastien. « On peut s’étonner que l’activité de greffe, priorité nationale, ne soit pas préservée même en cas d’accident sanitaire tel qu’une épidémie de grippe. Il s’agit d’une alerte à prendre en compte », s’inquiète un néphrologue francilien.

Autre raison, la mortalité liée aux accidents vasculaires a baissé de 15 % ces dernières années.

Autre raison, heureuse cette fois, la mortalité liée aux accidents vasculaires a baissé de 15 % ces dernières années. Conséquence : il y a moins de donneurs en état de potentielle mort cérébrale. Quoi qu’il en soit, ce recul n’est pas lié au changement de la loi début 2017, qui a renforcé le consentement présumé, qui veut que toute personne soit donneuse après son décès, sauf si elle a exprimé un refus de son vivant, le « taux de refus » tend à baisser. Il s’élève à 30 % en 2018. En pratique, la famille est consultée par l’équipe médicale.

Pour l’Agence de la biomédecine, « la priorisation de la greffe doit être réaffirmée, c’est une thérapeutique vitale ». Ce malgré des personnels sous tension soumis à des réductions d’effectifs, notamment à l’hôpital public. En France, plus de 57 000 personnes vivent grâce à un organe greffé.