Quand Laurent a entendu les mesures annoncées par Emmanuel Macron pour répondre aux « gilets jaunes », le 10 décembre, il a cru à un apaisement. « C’est mon côté naïf », concède-t-il. Cet ingénieur dans l’industrie, qui vit à Toulouse (Haute-Garonne) et préfère qu’on ne publie pas son nom, avait été particulièrement choqué par les violences des manifestations des samedis précédents, lors des actes II, III et IV du mouvement.

« Mais ensuite, j’ai entendu les “gilets jaunes” interviewés sur les ronds-points dire que le président n’avait rien fait. Mettre 10 milliards d’euros sur la table, ce n’est pas rien ! » Ulcéré, il crée une page Facebook, intitulée « Gilets jaunes, maintenant ça suffit ! », qu’il rebaptise très vite : « Stop, maintenant ça suffit. » « Ce n’est pas contre les “gilets jaunes”, qui expriment une vraie souffrance et la difficulté de vivre de son salaire, c’est contre la forme du mouvement : ce déferlement de haine, de violences, ces appels à l’insurrection. » Puis il crée un appel à manifester en soutien à Emmanuel Macron, qu’il diffuse dans son cercle macroniste à Noël : il a adhéré à En marche ! pendant la campagne présidentielle et reste sympathisant LRM.

Son initiative attire l’attention d’un autre groupe Facebook, « Foulards rouges : riposte face aux gilets jaunes », créé fin novembre pour dénoncer blocages et violences. Il compte aujourd’hui plus de 35 000 membres. « Les “gilets jaunes” demandent la destitution du président, la remise en question d’un vote démocratique. On ne peut pas accepter cela », estime Théo Poulard, ouvrier dans une boulangerie près de Quimper (Finistère) et vice-président des Foulards rouges, constitués en association.

« Collabos », « petits-fils de Pétain »

Les « foulards rouges » – simple hommage au symbole des fêtes de Bayonne – proposent à Laurent de fusionner leurs initiatives, en insistant sur un point : que la manifestation ne soit pas en soutien à Emmanuel Macron, mais à la République. « Il faut que ça puisse toucher un maximum de personnes, chez nous il y en a de tout bord, explique Théo Poulard, qui précise qu’on trouve aussi toutes les classes sociales. Laurent accepte facilement : « C’est bien ça qui me tient à cœur : défendre la République, nos libertés. Les “gilets jaunes” revendiquent d’être le peuple : mais une grande partie du peuple aujourd’hui se tait, se terre même. » Il insiste : « Il y a des appels à entrer dans l’Elysée, à l’Assemblée nationale. Quand des gens cherchent à prendre le contrôle des institutions, on appelle ça un putsch ! »

La Marche républicaine des libertés est prévue dimanche 27 janvier à Paris. Sur RTL, le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, a indiqué que des membres du gouvernement pourraient y participer. Théo Poulard assure qu’un solide service d’ordre sera en place pour éviter des affrontements avec des « gilets jaunes », alors que la bataille fait déjà rage sur les réseaux sociaux : les « foulards rouges » y sont qualifiés de « collabos », de « petits-fils de Pétain ».

Reste un problème : une autre manifestation est prévue au même endroit à la même heure. L’Agora pour le climat, écho de la marche organisée le 8 décembre à Paris. « Si nous sommes nombreux, on dira que c’est pour le climat que les gens sont venus », peste Laurent, amer, qui souligne qu’ils se sont déclarés les premiers à la Préfecture de police – laquelle se refuse à tout commentaire.

Notre sélection d’articles pour tout comprendre aux « gilets jaunes »

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La mobilisation racontée

Les origines du mouvement

Carburant, pouvoir d’achat, RIC : les raisons de la colère

La réponse politique d’Emmanuel Macron

Face à la police et à la justice