Dans la grande cour intérieure de l’Ecole des beaux-arts de Paris, une jeune femme se promène, seule, sur fond de flûtes en mode « contemporain » : souffles, « slaps » (jeu avec la langue) et bruits de clefs. Elle profite du calme d’un lieu gardé par des statues romaines avant de réapparaître comme la tête de pont d’un vaisseau musical à la fois statique et mouvant.

C’est la soprano (Youmi Kim) d’un sextuor, Artefact, que le compositeur, Samir Amarouch, 27 ans, a posté sur YouTube au terme d’une démarche audiovisuelle tout à fait inhabituelle. Cet étudiant du Conservatoire de Paris a voulu prolonger le travail effectué avec les interprètes lors de la création de l’œuvre, en 2016, en les associant à une réflexion sur l’image qui ne faisait pas partie du projet originel. Les voici en action sur le luxueux dallage de la Salle à la Verrière des Beaux-Arts, comme sur un échiquier où la voix figure la Reine et les instruments, des pions. Voire des fous, si l’on en juge par l’insolite association d’un accordéon et d’une guitare électrique.

Samir Amarouch - Artefact (in les Beaux-Arts de Paris)
Durée : 13:16

Les sons voyagent

Comme eux, le saxophoniste est assis tandis que les autres membres du sextuor (deux flûtes, soprano) sont debout, à bonne distance les uns des autres. Les musiciens ne changent pas de place mais les sons voyagent – on ne saurait mieux dire avec une réverbération de dix secondes. La caméra, elle aussi, traduit l’évolution dans l’espace avec une lenteur renouvelée. Elle s’élève vers les voûtes, s’arrête sur une peinture ou se plaît à comparer le bras levé du chef d’orchestre à la pose d’un nu antique. Conditionnée par la source musicale, la vision se trouble quand le guitariste utilise la pédale « delay ».

Rarement, sinon jamais, une pièce de musique contemporaine aura connu une présentation aussi sophistiquée sur YouTube. Alors que dans la plupart des cas, il ne s’agit que de captations de concerts, Artefact, le bien nommé, a suscité un clip digne de ce nom (réalisé par Clément Thuriot, d’une durée de treize minutes) avec un son spécifique (mixage d’Aurélien Bourgois).

Sensible à ce qui se fait dans la musique pop, Samir Amarouch est persuadé que l’enregistrement de la musique classique (ou ici, contemporaine) ne « marche » que s’il ne cherche pas à donner l’illusion du concert. Nul doute que d’autres compositeurs de sa génération lui emboîteront le pas et que ce séduisant Artefact fera date. Pour l’heure, il a déjà valu aux artistes d’étendre leur auditoire : d’une centaine de personnes lors de la création à plus de 2 600 avec le clip.